Néant mémoriel [libre]

Angra rentra dans le premier bar venu. Il s'installa, regarda autour de lui d'un air vide, que faisait-il ici ? Il n'en savait plus rien, rien du tout, c'était comme si son cerveau s'était fait happer par un trou noir dans le continuum espace temps. Ça laissait une impression bizarre, c'était comme être un parasite à l'intérieur d'un corps étranger. Un homme se posta devant sa table, il avait un air suspect, Angra se recula vivement, avant de comprendre que c'était un serveur. Ha... Heu...

- Un double Whisky et laissez la bouteille."

Il avait besoin de remplir son cerveau, et l'alcool était un moyen comme un autre. Le serveur prit congé et revint avec un verre des glaçons et une bouteille. Il ne savait plus ce qu'il avait fait depuis... Quel était son dernier souvenir ? La mort de Tae-Jin ? Et puis ? Leur disparition, et puis ? Comment était-il passé de ça, à un corps rien qu'à lui. C'était pire qu'un trou noir, c'était... impossible à nommer. Il avait acheté une villa, il ne savait même plus pour quoi. Il semblait lui manquer quelque chose, ou... quelqu'un. Il n'arrêtait pas de chercher un corps, un corps à ses côtés. Qui ? Il ne le savait pas. Mais sa solitude était insupportable. Il avait besoin de quelqu'un, quelqu'un pour combler ce vide atroce !

Un contenu transparent clapotait dans le récipient plat, au fur et à mesure que sa main tournait, par petites rotations... Ploc... Ploc... Plic... Plifc. Mince. La moitié sur la table. Un éclat de lumière dans l'oeil, et tout d'un coup un petit élan de soif. Il était temps de boire. Avant qu'il ait réussi à tout foutre à côté... Maël releva la tête - qui tourna tandis qu'il s'exécutait notons - et laissa couler son restant de sake le long de son oesophage assoiffé... Cette connerie avait fichtrement bon goût... Par contre, ça ne faisait pas super bon ménage avec la drogue. Sa main gantée tremblait, et il manqua de briser la soucoupe tandis qu'il la reposait un peu trop violemment, sur la table. Il renifla. Il était dans un bel état, comme toujours... Mais après tout quelle importance? Il ne faisait de mal qu'à lui-même.

Un début de migraine lui vrillait le crâne. Le genre de trucs qu'il ne ressentait pas, de départ, mais qui étaient apparu au fur et à mesure de sa carrière de junkie. Il passa une main contre son crâne, puis se figea. Il y avait quelque chose comme trente secondes, peut-être un peu plus, la porte du bar s'était ouverte, quelqu'un certainement avait du rentrer, l'atmosphère s'était alourdie considérablement, mais ce n'était que maintenant que Maël se rendait compte que cette impression ne venait pas de lui, mais bel et bien d'ailleurs... Son ouïe exacerbée captait des mots, des phrases, qu'échangeaient les clients du bar. La voix du nouveau venu se superposa aux autres... Whisky, bouteille? Encore un qui allait se saouler. Une pratique qu'il ne préconisait pas, dans le sens où ça pouvait être dangereux. Mais ce n'était pas ça qui avait capté son attention non... Il tenta de se remettre les yeux en face des trous, et tourna ces derniers sur le grand argenté, là-bas... On ne pouvait pas dire qu'il avait une gueule très japonaise, et ses couleurs étaient même plutôt étranges tout court, mais Maël était un peu trop hors service niveau cerveau pour penser une seconde qu'il pourrait être en présence d'un démon ou d'un truc du genre... Il ne sentait même rien de spécial quant à son aura... Il venait de reprendre une dose, et ça coupait ses capacités de discernement. Une grosse dose, qui lui durerait plusieurs jours. Un humain aurait pas survécu à pareil truc, mais comme il n'était pas humain, il était un peu... avantagé, à ce niveau. Pas d'overdose. Juste un over-mal de crâne doublé d'un over-j'sais plus ce que je fais. Tu parles d'un chérubin... Heureusement qu'il avait rejeté Dieu, et qu'il n'avait plus foi qu'en ce qu'il faisait!

Et là, il était certain d'avoir senti un gros truc. Un truc pas clair, du genre néant cérébral, chaos total, doublé d'une nuée de points d'interrogation sans réponse. Ce type... Il ne savait pas ce qu'il lui arrivait, mais ça n'allait pas fort. Vraiment pas fort. C'était donc le moment d'agir, ça tombait très bien: il n'avait pas d'affaire sur le feu. Il allait voir si il pouvait faire quelque chose de ce côté-ci, avant de retourner à l'hôpital d'Hokubu voir si il n'y avait pas deux trois cancers qu'il aurait pu résorber, ou bien quelques enfants paraplégiques à remettre debout... En parlant d'être debout, il s'y était mis sans s'en rendre compte. Bien. L'alcool, c'était fini pour lui ce soir. Allez hop au boulot! De toutes les manières il n'était pas un gros buveur... Il s'approcha donc de la table, et n'hésita pas à poser une main sur l'épaule de l'homme qui avait éveillé son intérêt de par sa simple présence. Ce geste n'avait pas été gratuit, il commençait à s'y connaître en relations humaines à force de siècles... Il voulait voir si l'homme réagissait, et comment il réagirait, en premier lieu pour savoir si il avait la tête claire, en second lieu pour savoir si il allait être bien accueilli.

"Bonjour... Vous permettez que je m'installe? Je sais... Je pourrais aller ailleurs, mais vous n'avez pas l'air très bien, je ne le suis pas non plus, un peu de compagnie ça aide toujours quand... le chaos règne, non?"

Excuse pourrie doublée d'une boulette dont il n'avait pas conscience. Oui, ben. Millénaires d'expérience ou pas, allez être psychologue quand vous êtes plus shooté que shooté, vous verrez si c'est aisé. En plus sa paupière tressautait comme une folle depuis qu'il s'était remis en mouvement, il devait avoir l'air soit d'un cinglé, soit... D'un drogué. Ce qu'il était. Haha. Bref. Il fit le tour pour s'asseoir en face de l'homme, avant de se faire virer quoi vu sa prestation minable. Un sourire aimable lui redonnant quelques points de fréquentabilité visuelle, puis il passa la main dans ses cheveux, espérant que son interlocuteur ne remarquerait pas que ses yeux étaient presque devenus des phares faute à son taux de drogue dans le corps légèrement beaucoup trop élevé... Ses iris avaient tendance à se mettre à luire de manière particulièrement pas discrète quand il était shooté...

"On ne se connait pas, mais je m'appelle Maël. Je ne vous demande pas de me donner votre nom en réponse."

Les blessures morales ou psychologiques ne faisaient absolument pas partie du domaine qu'il maîtrisait le mieux, mais face à un cas pareil il fallait qu'il essaie de voir si il pouvait aider d'une quelconque manière. Dans le pire des cas il donnerait à cet homme un point de repère à peu près stable, là où il semblait complètement paumé. Il ne faisait pas bon être dans sa peau dis donc... Maintenant qu'il était à côté et ressentait ce que l'autre ressentait, il avait du mal à continuer de sourire. Bon allez... Il allait falloir qu'il commande lui aussi pour ne pas paraître suspect, il leva donc la main. Un porto, un truc léger... Pas plus, sinon il allait être mal toute la journée.

Quelqu'un lui manquait... quelqu'un avait disparu, et le pire de tout c'est qu'il ne se rappelait pas de qui c'était. Une présence manquante... C'était étrange. Le Whisky aida son cerveau à ne plus ressentir ce manque, mais au fond, son bras continuait à chercher quelqu'un sur la banquette à côté de lui. Qui ça ? Pourquoi ne se souvenait-il pas ? C'était la question importante du mois.
Peut être que la réponse se trouvait au bout de la main qui s'était posé sur son épaule. Un homme... brun, mais le néon lui rendait les cheveux roux. Pourquoi cette couleur était si douce à ses yeux. Il avait besoin de cette couleur de feu. Du feu...

- Asseyez-vous."

Oui, en face de lui, pour qu'il puisse admirer ces éclats somptueux. Ça lui manquait... C'était lui qui lui manquait tant ? Pourquoi ne l'appelait-il donc pas par son nom ?! Apparemment... non, erreur, ils ne se connaissaient pas. Dommage... Enfin qu'importe, il était déjà un petit peu moins seul. Enfin, un petit peu, car celui qui venait d'arriver s'était assis en face et non à côté.
Pour le coup, il ne vit même pas les prunelles chelous de son interlocuteur, et vu l'occupation de son cerveau, le mot chaos ne le fit même pas tiquer. Non. Angra était out of order. Il avait un blanc à combler, et comme Han-Ryu il essayait de le combler avec tout et n'importe quoi. Une image, une couleur, un contact... Un nom... Maël.
En temps normal il aurait du tiquer, le nom, l'aura bizarre, mais rien, rien du tout. A la place le démon fit un large sourire.

- Ang... Ramirez Von Luckzak."

Et hop, il descendit un nouveau verre regardant Maël sous toutes les coutures.

- Vous tombez à pic, j'avais besoin... de... compagnie. Je me sens effroyablement seul."

Seul comme jamais !

Parfois, il y a des trucs qui font qu'on dessaoule tout de suite. Voire même qu'on a l'impression de ne plus être drogué au quatrième degré. Mais juste l'impression, parce que si Maël venait de froncer les sourcils, comprenant qu'il était sans aucun doute VRAIMENT tombé sur un cas, il n'était toujours pas capable de ressentir l'aura qui émanait de la créature face à lui, qu'il imaginait donc parfaitement humaine à l'instant même. En temps normal il donnait un peu l'impression de se foutre de tout... Mais dès qu'il s'assignait une mission, dès qu'il s'engageait à servir une quelconque cause, le junkie sans domicile était complètement transcendé, et le naturel revenait au galop. Une noblesse et une droiture d'esprit que très peu possédaient filtraient au travers de ses prunelles brillantes, et soudain il n'avait absolument plus l'air d'un gars de la rue, malgré sa tignasse certes belle, mais indéniablement... Pas bien coiffée. Ce type... Il venait à peine de s'adresser à lui, et il ressentait déjà ce besoin intense de rester en sa présence... Du feu? Il avait envie de feu? Euh... Il avait arrêté de fumer depuis peu ou bien...? Stop. Maël n'était pas en état de gérer parfaitement son don d'empathie, il commençait à déduire un peu tout et n'importe quoi. C'était ni classe, ni efficace. Quoiqu'il en soit, il sétait assis ainsi qu'on le lui avait autorisé, et tenta une prise de contact simple et pas contrariante... Visiblement, il aurait moins de mal à ouvrir la conversation qu'à ce qu'il l'avait imaginé. Et visiblement, ce Ramirez était encore plus esseulé qu'il ne l'avait imaginé au départ. Que pouvait-il bien lui arriver? La perte d'un proche? Si le dit proche n'était pas perdu, peut-être Maël pouvait-il encore faire quelque chose... Ou bien... Non... Si... Il manquait quelqu'un, à cet homme, mais ça avait l'air bien plus complexe. L'ange n'arrivait absolument pas à comprendre de quoi il était question, il allait peut-être devenir... un peu plus hardi, de ce fait. Après tout si monsieur Von Luczak se sentait seul comme il le disait, peut-être avait-il besoin de parler...

Déjà; il se releva, pour s'approcher et prendre la chaise à côté de Ramirez. Il avait voulu prendre ses distances pour que l'homme ne se sente pas trop assailli, mais ça avait été inutile... Et ce n'était peut-être pas plus mal, en fin de compte.

"Hola ça a l'air de vraiment mal aller... Qu'est-ce qui vous arrive dites voir?"

Peut-être plus que ce que ce Ramirez pensait... En attendant, au minimum il resterait avec lui et comblerait comme il le pourrait cette absence douloureuse qu'il ressentait au travers son interlocuteur... C'était vraiment pas n'importe quoi... Le serveur revint avec son verre, qu'il porta donc à ses lèvres après avoir remercié. Voyons, il pouvait essayer d'inciter l'homme à parler, tout en sachant qu'il taperait forcément un peu à côté de la plaque:

"Une peine de c?"

Il fut arrêté par une toux douloureuse qui lui arracha la moitié des poumons durant une bonne dizaine de secondes... Lorsqu'il retira sa main gantée de sa bouche, un mince filet de sang gouttait sur sa lèvre inférieure, qu'il nettoya rapidement. Quelle ironie... Il pouvait soigner les autres, mais ses capacités d'auto-régénération semblaient... Relativement limitées, depuis qu'il se droguait pour "survivre". L'héroïne bloquait l'essence divine en lui mais semblait avoir des effets extrêmement néfastes sur le reste de son organisme, il se demandait bien combien de temps il allait tenir à ce rythme... Mais son propre cas n'était pas important.

".. de coeur?"

Un grand sourire accueillant destiné à Ramirez, qu'il gratifia ensuite d'un clin d'oeil. Il passa une main sur son épaule, ayant presque oublié qu'ils n'étaient pas censés se connaître. Quand on partageait les sentiments d'un autre tout de suite on se sentait plus proche de lui... Shooté et un peu ivre d'autant plus, même quand on était un ex-chérubin. Maël avait l'habitude de s'impliquer personnellement dans ses "missions". Il détestait l'idée de l'entité qui aide avec détachement. Lui, il aidait ceux qu'il appréciait, ceux dont il se sentait proche. Et il appréciait beaucoup de gens, certes. Fallait pas le créer dôté un amour inconditionnel pour toute chose qui bougeait si on avait pas voulu qu'il en soit ainsi...

Pas aller, ça c'était certain, ça n'allait pas du tout, quant à savoir pourquoi, c'était, comment dire, difficile. Il ne savait pas vraiment. Quelque chose lui échappait, quelque chose d'important, mais invisible. Angra secoua la tête. Les choses tournaient en rond dans son esprit, rien n'avait vraiment sa place, comme un tétris cassé qui essayait en vain de se remettre en place.
Et puis tout ça s'arrêta, Maël venait de s'installer sur une chaise à côté de lui, il aurait pu venir sur sa banquette, plus près, encore plus près. La main du basané attrapa l'ange par la manche pour le tirer lui faire signe de se caler à côté de lui sur la banquette. Et puis, ça serait plus confortable, pour sûr. Un sourire, alors que de la tête il faisait mine de lui demander de s'installe à ses côté alors qu'il se calait au fond de sa banquette.
Il y eut une quinte de toux, ha, l'homme avait attrapé une grippe ? Il lui semblait que c'était une maladie humaine qui faisait tousser. Ou c'était le Rhum. Ha non ça c'était une boisson ! Angra n'avait pas à se soucier de ça, non ? Il n'était techniquement pas humain, enfin c'est ce que lui avait dit Ayame. Il imitait, mais il n'était pas pour de vrai.
Une peine de... cœur ? De cœur ? Angra le regarda déstabilisé, il savait que ça avait un rapport, il savait que c'était ça, mais il était incapable de le dire. De dire ce qui se passait. Il n'avait pas mal, il n'aimait personne. Enfin, il ne s'en rappelait pas.

- Quelque chose comme ça..."

Hum... quelque chose comme ça. Même si rien n'était véritablement sûr et certain. Autant ne plus se torturer. Ça allait mieux. Il préférait boire un verre de plus.

- Mais je ne sais pas très bien en fait. Je préfère peut-être oublier cette partie de mon existence... Oublions le passé, pensons au présent. Vous, moi, c'est peut-être un signe du destin. Et vous comment en êtes vous arriver là ? Hum ?"

Angra claqua ses glaçons contre la paroie du verre plongeant son regard vers surnaturel dans les yeux de son interlocuteur. Il lui rendit son clin d'œil. Sans s'en apercevoir, il avait enclenché le mode drague intense. D'ailleurs sa main glissa sur le bras de l'ange alors qu'il souriait d'une façon... équivoque.

Maël sentit qu'on tirait sur sa manche, et se releva donc pour la seconde fois, souriant, pour s'installer à côté de Ramirez sur la banquette. Il avait à ce point besoin d'un accompagnement, hm? Maël ne s'était donc vraiment pas trompé de "cible", même si il ne savait pas encore si il pourrait faire grand chose de plus que de lui tenir compagnie jusqu'à ce qu'il en ait marre de lui. Parfois, ça suffisait à aider. Mais vu le problème visiblement costaud de son interlocuteur il aurait voulu pouvoir faire plus. Même lorsqu'on faisait des miracles cela dit, on ne pouvait pas faire grand chose sans connaître la teneur exacte du problème... Lorsqu'il s'agissait de maladie ou d'invalidité physique, il était capable de le diagnostiquer, mieux que le meilleur des médecins sur Terre. Quand c'était mental ça lui demandait pas mal d'efforts supplémentaires... Sans compter qu'il n'était absolument pas au courant que le problème de Ramirez était d'origine démoniaque. Ca faussait doublement la donne. Une quinte de toux, une question posée pour aider son interlocuteur à se libérer du poids de ce qu'il lui arrivait...

Maël capta le regard déstabilisé de Ramirez, tout comme il sondait au possible les sentiments chaotiques qui lui arrivaient de plein fouet... Il n'était pas sûr de bien comprendre... L'hypothèse de la peine de coeur qu'il avait tout d'abord pensé fausse semblait se confirmer, et il avait la certitude que Ramirez ne mentait pas. Une peine de coeur, un oubli..? Il était amnésique ou bien quoi? Maël, soudain curieux, mais dôté des meilleurs intentions du monde, s'apprêta à poser une nouvelle question... ceci dit Ramirez avait de nouveau le nez dans son verre, ce qui le fit sourire, certes, mais le poussa à quelques légères recommandations:

"Vous devriez espacer les verres... Un peu plus... Histoire de pas finir par terre quoi. C'est pas très pratique pour discuter."

Puis bon. User de son énergie pour dessaouler un gars avant qu'il ne se paie une cuite méritée, c'était tout de même un peu dommage alors qu'il avait tant de personnes à faire profiter de ses talents... Des personnes qui en avaient véritablement besoin. Ca ne l'empêcha pas de plonger le nez dans son propre verre. Il savait qu'il n'en commanderait pas de second, puis il avait l'habitude de ne plus être sobre... Le jour où il serait sobre serait le jour de sa déchéance. Attentif il écouta Ramirez changer de sujet de conversation alors même qu'il terminait le contenu alcoolisé du truc qu'il tenait dans la main. Ou bien qu'il ne tenait plus dans la main. Comment ce truc était-il arrivé sur la table hein? Ah, le pied en était fêlé... Il devait avoir eu un geste un peu violent sans s'en rendre compte... Le revers de la médaille. Il cacha ses mains sous la table, pour éviter de montrer à son voisin qu'elles tremblaient comme des feuilles mortes, puis... Soudain nettement plus sérieux, il observa la main qui s'était posée sur son bras, les yeux drôlement verts - super lentilles de contact dis-donc! - qui s'étaient posés dans les siens, drôlement dorés. Les sentiments de Ramirez semblaient s'être stabilisés, ceci dit Maël n'était pas sûr que ce soit une bonne chose... Un sourire doux, un regard triste:

"Un signe du destin, hein..? Si vous le dites..."

Ding dong, salut Ramirez, tu viens de tomber sur ton ange gardien, bon il marche en solo, il est un peu shooté, et un peu maboule sur les bords, mais t'inquiète il fait bien son boulot! Enfin, il essaie. Super. Le destin avait le sens de l'humour en plus. Bref... En premier lieu, parler de lui-même. Ca n'était jamais évident, car Maël n'avait pas de passé... Et Mebahel ne pouvait pas se permettre de dévoiler son identité. Surtout pas face à un humain! Il aurait été bon pour l'asile psychiatre, la cure de désintoxication, puis le Zohar. Yay. Quel super plan... Il passa une main sur son front, dans ses cheveux, relevant par pur réflexe les mèches qui cachaient ses yeux trop brillants, ce pendant un quart de seconde.

"Moi? Oh... Rien d'intéressant... Je vagabonde, je traîne de villes en villes et je fais le tour des bars... On peut pas dire que ma vie soit passionnante, hm?"

Regard malicieux en direction de Ramirez... Et maintenant on ré-attaquait. Il posa lui-même la main sur son bras, mais ses intentions étaient toutes différentes. Si Ramirez avait besoin d'une compagnie... toute... spéciale, pour la soirée, concrètement Maël aurait accepté ses propositions. Il n'était plus depuis longtemps entravé par les lois stupides qui régissaient la vie du reste de ses frères anges... Ceci dit il avait l'intime conviction que concernant ce grand basané à l'air paumé, il avait nettement mieux à faire. Et de prendre un air intellectuel grandiloquent pour se donner l'air un peu moins philosophe, et un peu plus shooté. Comme il l'était, ça aidait:

"Je ne sais pas si c'est une bonne idée, de vouloir oublier. Le passé fait de nous ce que nous sommes, vous savez? Il y a peut-être une raison pour que vous ne souhaitiez pas vous souvenir... Mais je ne pense pas que choisir cette solution de facilité vous mène à grand chose, si ce n'est à perdre le sens de votre être. Enfin... Un truc comme ça? Mais bon si vous voulez pas en parler je vous laisse vos fantômes, j'espère juste qu'ils ne viendront pas vous attaquer, quand vous aurez le dos tourné..."

Son sourire s'élargit, et se changea en rire, face à ses propres paroles, qui ne l'amusaient guère mais ne le faisaient pas trop, sorties trop sérieusement de la bouche de son alter ego humain qui était censé venir de la rue. Maël n'avait pas bien compris le problème de Ramirez encore... C'était un truc tordu, quoi qu'il en soit. Il n'en parlerait plus pour l'instant si son interlocuteur ne le souhaitait plus. Mais il reviendrait à la charge à un moment où un autre, foi de d'ange pas encore déchu!

Lui saoul ? Attendez, il lui parlait à lui, d’un état qu’il ne connaissait pas. Il avait bu comme un trou dans le corps d’Han ! Jamais il n’avait ressenti les effets de l’alcool, enfin pas à ce point. Un éclat de rire lui passa au travers de la gorge, puis il se servit un verre immédiatement, éclaircissant son interlocuteur à ce propos.

- Il faudrait déjà que l’alcool puisse me tourner la tête et ce n’est pas demain la veille ! »

Le problème c’est qu’il n’était plus abrité par le corps intangible et inhumain d’Han-Ryu. Il avait sa propre enveloppe maintenant. Il avait vomi, chose qu’Han n’avait jamais pratiqué, vu qu’il n’avait pas d’estomac réel. La différence était grande, et le résultat ne serait pas le même car Angra allait apprendre ce qu’était le speed drinking. Et ça… ça allait pas être beau ! M’enfin, il avait bien encore devant lui quelque six ou sept verres devant lui. Cul sec ! Pourtant, les choses n’étaient plus vraiment comme avant. Sa chaleur augmentait, et puis, il se sentait vaseux, mais ce n’était pas ça qui allait le stopper au contraire. C’était encore un effet de ce manque, c’était sûr, et non pas de l’alcool qui ne devait rien pouvoir faire contre sa majestueuse personne.
Il lança un regard brillant à son interlocuteur, maintenant installé tout contre lui et un sourire avait succédé à son changement de siège. Il l’observa, le considéra, d’abord un plus gros plan sur ses yeux dorés ses mèches auburn son visage lisse, il aurait bien eut envie de le caresser. Mais, non, pas encore, pas maintenant. Angra se servit un nouveau verre, puis descendit son regard. Sa gorge… il avait la folle envie de la mordre, de plonger ses dents dans la chaire et goûter son sang chaud, ses épaules, larges sans trop l’être, et puis ses bras cachés, ses poignets que l’on devinait à peine et ces mains emmitouflées de gants. Dommage il aurait voulu en voir plus en sentir plus. Tel un enfants, il posa ses coudes sur a table, soupirant, tandis que son menton tombait négligemment sur la paume de ses mains, remontant ainsi ses joues. Il avait un air de lapin, comme ça. Quelque chose le laissa perplexe, qu’avait Maël ? Etait-il tendu à cause de sa proximité ? Il n’allait pas lui sauter dessus, qu’il ne s’inquiète pas, à moins que… ce tremblement, pour sûr ! Mais oui, obligé ! Maël était timide, il ne savait pas quoi dire pour lancer la discussion ! Il… mwahahaha lui avait tapé dans l’œil apparemment !
Et oui c’était un signe du destin. Angra se sentait seul, abandonné et rempli d’un vide, Maël avait besoin de compagnie, d’un homme, beau, intelligent, plein de charme, de sagesse, de prestance, et d’un charisme de dieu. C’était sûr que Maël ne pouvait qu’être tombé sous son charme !
Il était loin de se douter que ce qu’il avait sous les yeux était un ange, peut-être son futur ange gardien… Lui qui se disait abandonné, avec un ange gardien bourré qui dessaoulé dans un coin oubliant sa mission ! Ça ne pouvait pas être pire que celui qu’il avait en ce moment, qui en fichait pas une.

- Toujours à la recherche de quelque chose, ou plutôt de quelqu’un, hein ? »

Un regard lui avait été envoyé, malicieux comme il aimait, mais là il vit encore quelque chose de trahissant. C’était ça… Il lui avait tapé dans l’œil, c’était presque une façon de lui dire, je fais le tour des bars et cherche un bon coup, je crois que j’en ai trouvé un pour ce soir. Les joues lapinou disparurent, car Angra fit un sourire colgate de dragueur number one. Il allait enchérir sur ce sujet, surtout après cette main posée toute significative, mais raté, Maël revenait au premier point de leur discussion. Son manque… Hey, pourquoi il s’arrêtait ?! A nouveau une crise de timiderie ? Non, autre chose… il voulait faire durer le plaisir. Soit. Le regard vert d’Angra pétilla à son tour.

- Je ne pense pas que j’ai quoi que se soit à craindre de ces fantômes. Si ils sont partis, c’est qu’ils n’avaient rien à faire ici ! Peut-être sont-ils partis sachant que le destin m’offrirait une meilleure compagnie ! »

Nouveau sourire alors qu’Angra terminait cul sec un nouveau verre. La bouteille était presque vide. Zut ! Il se serait bien avalé quelques autres verres, mais la fin était proche, plus que deux, au mieux. Pas grave… y’avait autre chose à consommer, et c’était tout aussi bon que de l’alcool. Les yeux à demi clos, le dieu démon posa sa tête contre l’épaule de l’ange et souriant d’aise, il renifla la chevelure puis la peau de son compagnon.

- Tu… me trouves… séduisant ? Hum ? Toi t’es à croquer ! »

Une impulsion de ses muscles lui fit pivoter le torse, juste assez pour que sa mâchoire s’ouvre et se referme enserrant la peau du cou de Maël pour un mordillage intempestif. Angra n’avait pas d’ascendance vampirique, mais il avait clairement une tendance à la morsure plus ou moins sanglante.

- Toi… tu es à croquer ! »

Il était clairement éméché, ça se sentait dans ses paroles, trop roucoulante et désarticulée, mais ça allait encore, d'ailleurs il le prouva en se servant son avant dernier verre sans en mettre à coté, cependant, on pouvait voir le goulot danser la rumba au dessus du verre. Cette chose faite, comme faire deux choses en même temps aurait été risquée, Angra se mit à l'aise, puisque une de ses jambes glissa sur celle de Maël. Dans peu de temps il serait sur ses genoux, mais il ne voulait pas le faire fuir ! Non, ce n'était pas son but.

Hm... Maël n'avait pas prévu que les choses tournent en ce sens, sans quoi il se serait sans doute passé d'intervenir.. ou pas. Ramirez avait certainement besoin d'un ange gardien... Mais peut-être pas de lui. Si il ne ressentait pas le besoin de comprendre l'origine de son problème, Maël ne pourrait rien faire pour lui.. Il était guérisseur, pas psychologue, comme certains de ses ex-collègues. Bon il avait un peu d'expérience, et savait être pertinent quand il fallait, mais il n'empêchait que ça ne faisait absolument pas partie de ses dons de remettre dans le droit chemin ceux qui s'en étaient égarés. Or, plus le temps passait, plus Ramirez semblait faire fi de cette fosse profonde, noire et dangereuse, que Maël ressentait en lui. Il ne fallait pas... Il risquait de se tromper lourdement en préférant la fuite à la confrontation! Un jour, ses problèmes le rattraperaient... Les laisser pourrir dans un coin était malsain! Il aurait fallu que quelqu'un d'autre le prenne en charge, mais malheureusement, il n'y avait ici que Maël pour ce faire. Alors il ferait de son mieux pour alléger sa peine, quitte à faire des choses qui ne lui plaisaient pas forcément... Enfin bon. Déjà, le coup de l'alcool. Comment ça, il fallait déjà qu'il puisse lui tourner la tête? Ce jeune homme était bien arrogant... Maël eut un ricanement doux, puis un mouvement de tête relativement incrédule, qui traduisait bien ce qu'il pensait...

"Il y en a beaucoup qui disent ça... Les mêmes qui se retrouvent à rouler sous la table et à se vomir dessus dans les vingt minutes!"

Personne n'était à l'abri d'une cuite... Même pas lui! Enfin... Il n'aurait pas été shooté comme il l'était, peut-être son organisme aurait tenu le choc et lui aurait permis de boire trois fois plus qu'un humain normal sans tomber dans un état proche du coma éthylique... Sauf que voilà, il se shootait par obligation, et il en était extrêmement diminué. L'ex-chérubin n'était plus beaucoup plus résistant qu'un mortel dorénavant... C'était comme ça, et il l'acceptait sans problème. Ce qui lui convenait un peu moins, c'était la manière dont Ramirez l'observait dorénavant. C'était quoi, ça...? Son sourire se crispa légèrement... L' "air de lapin" passait encore, ça montrait surtout qu'il commençait à être pas mal éméché, maaais..., le sourire colgate ne trompait pas, d'autant moins accompagné de cet espèce de truc que ressentait Maël au travers son interlocuteur, cette impression d'être aimanté... Qui lui montrait clairement que l'autre commençait à avoir des idées pas forcément brillantes... Maël, c'était dit, voulait bien s'adonner à tout type de trucs si ça pouvait soulager la peine d'autrui... Mais en l'occurrence, et vu qu'il était question d'une peine de coeur, il n'était pas sûr que de combler la solitude physique de Ramirez soit une solution géniale à son problème... Son sourire se crispa légèrement, ce tandis qu'il répondait, bêtement...

"A la recherche de... quelqu'un. C'est une façon de voir les choses, mais peut-être pas comme vous l'entendez."

... Et merde. Il était trop honnête. Sa réponse portait à confusion, et il suffisait d'être un peu trop obtus ou bien un peu trop convaincu de ses... prétendues intentions lubriques, pour la prendre de travers. Hm... Tâchant de rattraper sa bourde, il tenta de jouer sur le plan psychologique en rappelant à Ramirez ses réalités mais... c'était à en désespérer debout! Ou bien assis. Ca marchait pas. Au contraire même... Ramirez était en train de faire exactement ce qu'il ne fallait pas! Et si Maël n'était pas d'accord avec la vision du péché imposée par le Créateur, il y avait des limites...! Ramirez allait se faire du mal sans même le savoir, assurément!

"Mais vous pouvez savoir si ce que vous avancez là est vrai, nan..? L'oubli n'est pas une solution, juste une facilité qui risque de blesser qu... Euh..?"

Déjà qu'il avait bien du mal à trouver des arguments valables dans son état pitoyable, et tandis qu'il ne comprenait absolument que dalle au problème obscure de Ramirez, lequel lui semblait de plus en plus bizarre, il fallait QU'EN PLUS ce dernier lui rende la tâche ardue en prenant des initiatives malvenues. Maël venait de sursauter, car se retrouvait dorénavant avec une tête sur l'épaule, laquelle débitait des âneries improbables... Séduisant? A croquer...? Houlà. Ca y était, il était saoul. En ces conditions ça allait être dur de le raisonner.

"Attendez, c'est pas..."

Oups là... Comme quoi même au bout de quelques bons milliers d'année de vie on peut encore être surpris et pris au dépourvu. Sursautant une seconde fois, il avait même tenté de s'éloigner d'un cran... Les dents contre sa peau n'avaient pas non plus été au programme, et se faire croquer n'était pas...! Quoique. Après tout, si il n'y avait pas d'autre solution, cela lui ferait toujours gagner du temps, et peut-être cela calmerait-il un peu Ramirez, lequel semblait à l'heure actuelle impossible à raisonner. Il se reprit. La confrontation ou la fuite ne faisaient absolument pas partie de ses manières de faire, et même si Ramirez était particulièrement... hm... Rapide; il allait devoir rentrer un minimum dans son jeu si il voulait avoir une chance de faire mouche par la suite. Plutôt que de s'éloigner, Maël colla d'autant plus la jambe qui venait d'être prise en otage contre son interlocuteur, se tourna, et d'une main douce - même si gantée - tenta de redresser son visage, pour lui faire face et plonger ses pupilles fascinantes dans celles de l'humain, qui certes ne l'étaient pas moins. Ramirez ne voulait pas être seul, il ne le serait pas... Cela dit...

"Ramirez... Je ne comprend pas très bien ce qui vous arrive, mais j'espère que vous vous rendez compte que vos actes pourraient blesser ceux qui font partie de votre entourage... Etes vous certain que personne n'attend votre retour?"

... Maël était têtu. Comme une mule. et il avait un peu de mal à accepter le choix de son nouveau protégé, tout comme il avait du mal à accepter de ne pas comprendre. Alors il avait opté pour le discours de circonstance en cas d'amnésie, dans le doute. Sa forme d'orgueil à lui, sans doute... Il n'empêchait qu'il y avait des moments où il déraillait un peu. Beaucoup. Complètement. Un peu comme maintenant: un large sourire amusé était apparu sur ses lèvres, lesquelles s'étaient dangereusement approchées de l'oreille de Ramirez, pour lui chuchoter un truc:

"Vous voyez? Vous êtes complètement ivre..."

A ce rythme il allait finir par se prêter au jeu pour de bon, hm. Mais ce n'était pas pour maintenant... Une petite loupiote nommée "conscience" - la sienne, pas celle avec un grand C - éclairait encore son esprit embrumé par l'alcool et par la drogue d'une lueur de lucidité salvatrice. Ce qui ne l'empêchait d'être à moitié en train de s'étaler contre Ramirez, faute à son tournis mortel. Et meeerde... Il aurait définitivement mieux fait de crécher dans les hôpitaux du coin plutôt que de vouloir faire profiter les autres de ses services quand il n'était pas en état de les proposer efficacement dans des cas difficiles, un peu comme celui-là! Ca lui aurait évité de tomber encore plus bas qu'il n'était déjà tombé lors de sa "chute sur Terre"...

Ha mais si, il fallait prévoir avec Angra ! Il n’y avait pas plus imprévisible comme démon, surtout quand son narcissisme à tout épreuve le prenait. Et là ça y allait ! Maël le trouvait beau, il avait envie de lui, tout de façon, c’était normal, il était un dieu démon chaotique d’une grande beauté etc etc etc tout le monde connaît la chanson !
Pour l’instant il était loin de ces préoccupations nébuleuses. Il avait oublié ? Et bien c’est que ce n’était pas important ! On se souvenait de ce qu’il l’était ! Il était loin de se douter que ce qu’il avait perdu était en faite la seule personne qu’il n’a jamais aimée au détriment de lui. Car lui, passait trop souvent en premier ! C’était une règle d’or ! Mais comment pouvait-il imaginer que son envie d’oublie avait été aussi loin ?! Il avait juste voulu oublier ces propres sentiments, pas la femme qui les animait. Il avait perdu non en plus l’amour mais aussi quelqu’un. Quelqu’un d’irremplaçable. Car en cherchant tout autour du monde et des dimensions, il ne retrouverait pas un être aussi riche et colérique que son Ayame, si belle et dangereuse, si forte et si fragile... Ayame… Un sursaut de son âme quelque part, enfouit sous une tonne de mots anciens et Perses qui cachaient la pesante vérité. Celle d’un cœur qui se rongeait d’un amour emprisonné par des scellés.
Il s’était protégé inconsciemment d’une douleur qu’il n’avait jamais eut à gérer. Aimer quelqu’un qui ne vous aime pas sciemment et qui en aime un autre. Un c’était nul, deux c’était parfait, trois c’était trop, à moins qu’on fasse dans la trinité ! Mais il n’était ni père, ni fils, ni saint, alors… c’était mieux ainsi, même si au fond, il ignorait pourquoi, ou plutôt comment ils en étaient encore arrivés à se bouffer le nez pour rien. Ca finissait toujours comme ça. Peut-être qu’au fond, ils n’étaient pas fait pour s’aimer. Le sort en avait décidé ainsi et Angra avait fermé les yeux sur ce sentiment. Après avoir cherché la présence d’Aya d’une façon détournée, une chevelure, un corps, un présence au milieu de ce bar, il était passé à autre chose, ou comment un beau petit lot peu satisfaire mon amour propre et me passer le temps ! Une bonne petite soirée en perspective !

- Je ne suis pas beaucoup de gens. Je suis bien différent, crois-moi. Un dieu ne peut pas finir bourré. Ca le fait pas ! »

Solution géniale ou pas, Ramirez avait tranché. Quoi qu’il se soit passé, quoi qu’il ait pensé… quoi qu’il ait oublié, un jeune homme ne lui ferait pas de mal, rien que du bien. Même si comme le pensait l’ange ça ne résolvait rien, et pire, ça serait bien plus compliqué après. Normal. Ce corps, il l’avait acquis pour une seule personne, alors le filer, comme ça à un inconnu, il est inutile de dire que les remords seraient grands. Mais l’heure des remords n’arriverait pas avant un moment. Pas encore, pas maintenant. Puisque Maël passait la seconde. Le ‘’pas comme vous l’entendez’’, le laissa sceptique juste deux secondes. Il devait y avoir autre chose, mais il n’avait pas envie de demander, et puis le gars était en train de lui manger dans la main ! Regardez,ni une ni deux, on li croque le cou, ni trois ni quatre la jambe d’Agra avait trouvé ses aises, il ne le repoussait pas, donc ça voulait bien dire ce que ça voulait dire. Il s’envoya son dernier verre, il n’avait même pas vu que l’alcool avait engendré cette situation et gonflé son ego, non, il était déjà loin… très loin. Le temps qu’il mit pour parler le montrait assez bien.

- Je… crois… un peu. Zut… ce corps est si différent de celui d’Han-Ryu… C’est bizarre… tout me parait plus lent, plus… marrant. Et puis… »

Rappelez lui de ne pas se saouler trop dans l’éparage, y’avait pas mal de chasseurs dingos ! Angra regardait ses doigts en souriant comme un gosse. Il aimait bien cet état. C’était super marrant. Un regard pétillant parcourut le bar de haut en bas. Son retour, hein ?

- Père ne me laissera jamais rentrer… maintenant que je suis souillé. Tu sais. Chui humain maintenant. Je sais même plus ce que je fais là…. Tu le sais toi ?! …. C’est le néant. Allons c’est pas grave ! Prenons un autre verre ! Tu sais que t’es mon ami, toi ?! »

Ben voyons, maintenant il faisait ami/ami avec les anges. C’est son père qui serait content ! Angra fit un large sourire, alors que ses bras se levaient dans les airs mollement, pour retomber autour du cou de Maël. Son visage se colla contre le torse de l’autre homme puis il ferma les yeux quelques instants, pris d’un mal de crâne carabiné. Pour une fois ce n’étai pas une histoire d’alcool, puisque d’ailleurs une larme s’échappa de ses yeux. Elle lui manquait. Maël aurait tout le loisir de ressentir cette énergie démoniaque lui manger le cerveau et tout ce qu’il contenait de roux, de gueullant et bastonneur, de cheveux coupé, de femme pulpeuse d’ange… déchu et de beau mâle féminin. Si il comprenait quelque chose à ces pauvres informations qui luttaient pour ne pas être effacées, et bien chapeau ! Tout ceci passa rapidement, puisque Le visage du dieu démoniaque se releva, leurs yeux légèrement rougis, pour ensuite attraper le visage de Maël et déposer un baiser sur ses lèvres. Un court biser, qu’il réitéra, jusqu’à retrouver le cou de l’homme pour le mordre à nouveau.

Maël eut envie de rire, mais se retint. Un dieu ne pas finir bourré, hm...? Cet homme avait un drôle de sens de l'humour! et il ne savait vraisemblablement pas de quoi il parlait... Maël lui, si, par contre. C'était même plutôt ironique... Avec lui, même Dieu parvenait à finir shooté, inconscient et figé dans ses veines. Fallait le faire tout de même... Et c'était une chance inouïe que la Conscience n'aie justement pas encore pris conscience de son petit tour de passe passe, et n'aie pas changé les propriétés chimiques de l'héroïne. A moins qu'elle n'aie pas souhaité créer de scandale paranormalodroguesque, et cherche à le coincer autrement? Bref. Maël savait que son temps était compté... On ne se jouait pas du Seigneur si facilement. Mais en attendant il pouvait encore espérer faire le bien à sa guise durant de nombreuses années... Peut-être des siècles! Avec un peu de chance, des millénaires... De là, il n'avait pas à s'apitoyer sur son sort, que non! Il avait du boulot! Et son actuel boulot, si il ne lui prenait pas le choux, était en train de se soustraire à son contrôle... Et merde.

Ramirez s'était dangereusement rapproché de lui. Avait-il à ce point besoin de réconfort..? D'une présence pour combler ce manque terrible en lui qu'il semblait être en train d'oublier..? Visiblement, oui. Maël restait vraiment sceptique quant au bien fondé de tout ça mais ça n'avait pas été comme si il avait le choix... Revenir en arrière serait dorénavant pire qu'autre chose, et si Ramirez était désespéré au point de sauter sur le premier venu... Ce n'était sans doute pas plus mal que ce soit sur lui. Au moins, il ne risquait pas d'attraper une saloperie. Voire même il pourrait en "perdre", au cas où: Maël avait déjà guéri des séropositifs par ce biais, même si il pouvait aussi faire autrement, hem. Un sourire tendre sur les lèvres, il posa sa main contre la mâchoire de l'humain... qui ne l'était peut-être pas à ce point. Il s'éloigna un tantinet, étonné de ce qu'il entendait. Qu'est-ce que Ramirez était en train de lui baragouiner au juste...? Corps différent de celui d'Han-machin? Parce qu'il avait expérimenté plusieurs type de corps...? Etait-ce l'alcool qui le faisait délirer ou bien...? Euh..? Perplexe Maël retrouva un instant l'usage de son cerveau, même si ce n'était pas brillant. Sa main préalablement passée sur le visage de Ramirez rejoignit la banquette.

"Que..."

Père... Souillé... Humain. Ah... Okay... La lumière se fit dans l'esprit de Maël, qui resta sidéré quelques secondes durant. Pas humain. Il était tombé sur un type qui n'était pas humain... Ca expliquait ses couleurs étranges, peut-être bien ses problèmes vraiment pas nets, et aussi la manière qu'il avait de sous-estimer l'alcool. Sauf qu'à ce sujet il aurait du être plus prudent parce que, pas vraiment humain ou pas, eh bien il était bien bourré... Et pas qu'un peu contrairement à ce qu'il semblait dire. Maël tenta de se concentrer... Regard distrait sur Ramirez, tandis que son bras s'abattait sur ses épaules à lui en démonter les clavicules... Il sentait effectivement une énergie sombre qu'il n'avait absolument pas calé avant ça... Bon il était out of order donc il ne la sentait pas beaucoup, mais assez pour comprendre qu'il avait choisi d'aider... un démon. Un démon? Haha. Trop drôle. Le sort avait décidément un sens de l'humour exacerbé. Mais peu lui importait quoi qu'il en soit... Il s'agissait d'un être vivant, et d'un être vivant qui souffrait. De là, Maël ne l'abandonnerait pas. Pas à cause de ses origines. De sa part, s'eut été relativement peu gêné...

"Je ne sais pas ce que vous faites ici mais vous vous feriez sans doute mieux de le savoir... En ce monde mieux vaut avoir une raison de vivre. Parce que vous n'étiez pas humain avant, hein..? Je crois que vous avez vraiment trop bu."

Sourire indulgent. Oui... Si l'autre n'avait pas compris à qui il avait à faire, si il n'avait pas senti son aura, peut-être un peu court-circuitée par la drogue, eh bien il n'allait pas l'aider à en prendre conscience, que non. Ramirez posa son visage contre son torse sans que Maël ne présente de résistance... Il avait déjà capitulé. Par contre... Il ne s'était pas attendu à ce que son "interlocuteur" lui envoie soudainement un pack de sentiments violents, directement bien là où ça faisait mal. De quoi en activer doublement ses ailes, constamment sous forme semi-ondulatoire faute aux effets de la drogue... Ses yeux s'écarquillèrent... C'était quoi ce manque...? Ce manque terrible..? Il l'avait ressenti atténué, externe à lui, mais là ça devenait un peu trop fusionnel à son goût... La douleur de Ramirez lui étreignait le coeur aussi sûrement que si il avait été lui, et tandis qu'une larme quittait l'oeil du grand basané, une autre fit de même avec celui de Maël, lequel sentait sa gorge se serrer... Quelle solitude... quelle terrible solitude... Soudain ses yeux se mirent à luire, et un son cristallin sembla comme s'élever, avec pour source son corps... Une musique pure, douce, que seuls ceux qui avaient des affinités avec le paranormal étaient capables d'entendre... à condition de comprendre que ce n'était pas leurs oreilles qui sifflaient ou bien l'alcool qui leur jouaient des tours quoi. Dans le brouhaha du bar après tout on pouvait confondre. Ses cinq sens exacerbés, dont le toucher, et ces putain de sentiments qui étaient en train de lui écraser le coeur pour de bon. Maël était empathe, pas télépathe. Il ne captait pas les informations avec son cerveau mais avec tout son corps, avec ses émotions... Il n'avait rien vu de roux ni de gueulant, mais il en avait ressenti assez pour perdre les pédales, et le sens des réalités. Le baiser déposé sur ses lèvres provoqua un frisson dans son corps entier, son visage se leva, tandis que les dents de Ramirez s'enfonçaient dans sa chair. Il passa une main dans ses cheveux, de vraies larmes coulaient dorénavant de ses yeux, ce tandis qu'il s'insultait mentalement de tous les noms pour être si influençable... Une main se coula contre le visage de Ramirez, il voulait plonger ses yeux dans les siens, désespéré à l'idée de trouver l'origine de cette souffrance, même scellée...

"Que s'est-il passé... C'est vraiment douloureux..."

Lui aussi se sentait terriblement seul dorénavant, tout ça parce que son empathie olympique avait tendance à le transformer en miroir grossissant de tout ce qu'il avait face à lui, les blindages en moins... Les gens dans le bar devaient se demander comment deux hommes qui se connaissaient depuis vingt secondes pouvaient en arriver à se sauter dessus presque amoureusement après avoir échangé trois mots, d'autant que dans cette société ce genre de relations étaient malheureusement tabou, mais ça n'avait plus d'importance... Maël sentait qu'il n'était sans doute pas en train de faire ce qu'il fallait, mais tant pis... Son amour des mortels et même des non-mortels le bouffait, mêlé à ce qui le parasitait, droit venant de Ramirez... Le besoin qu'il avait de le réconforter n'était plus contrôlable. Il initia de lui-même un nouveau baiser... Et ce n'était peut-être pas plus mal, au moins ça cacherait ses yeux lampes torches à la vue des autres, et ça éviterait les mouvements de panique... Il infiltra ses doigts dans les cheveux du démon pour la seconde fois. Démon... Mais qu'importe. Il n'était pas là pour juger, juste pour guérir et soulager... Ce n'était pas comme si son problème avait risqué,en étant réglé, de lui faire faire plus de mal autour de lui qu'il n'en aurait fait en temps normal...

Personne ne savait ce qu’il faisait là. Ni lui, ni Maël. Pourquoi était-il sorti des abîmes ? Pourquoi était-il là, dans un corps, rien qu’à lui. Pourquoi n’avait-il pas été chercher Spenta pour défier Oronomaze une seconde fois ? Pourquoi ?! Ça lui échappait, tout lui échappait. Il mettait le doigt sur quelque chose, et la vision disparaissait. Il ne voyait que du bleu. Pourquoi diable autant de bleu ? Enfin, du bleu, pour être plus précis, il voyait une eau stagnante et ressentait quelque chose comme un sentiment de haine. Pourtant, il n’avait rien contre l’eau. Mais celle-ci, cette flaque embuée de scellés lui évoquait la malveillance. C’est tout ce qui lui restait, d’Aya. Le souvenir de son rival.
Il lui fallait une raison de vivre, comme lui avait dit l’ange, et il n’avait rien, ici, pour le retenir, pour le décider à rester. Normal, d’un autre côté. Demain il s’en irait, l’humanité ne l’intéressait pas. Il avait vécu trop longtemps parmi eux. Maintenant qu’Han-Ryu et lui s’étaient scindé en deux êtres, il pouvait redevenir le roi de l’obscurité. Il devait sauver son frère de l’abîme sans fond. Qu’importe ce passé sombre, qu’il avait maintenant oublié, puisqu’il avait besoin de Spenta, et qu’il avait un nom à redorer ! C’était ça, son vrai passé, sa vraie vie, son vrai destin.
Un sourire se dessina sur ses lèvres. Il avait un but, une raison de vivre, pas dans ce monde, soit, mais dans le sien. Il devait s’accaparer le pouvoir de la lumière et envoyer Oronomaze faire un tour dans les abîmes. Il sécha cette larme du revers de sa manche, qu’importe cette douleur dans sa poitrine, si tout ceci avait été oublié, c’est que quelqu’un ou lui-même avait enfermé dans une boite tout ça. Ça devait être encore plus douloureux une fois ouvert. Angra baissa le regard. Il avait entendu une douce sonorité, il ne savait pas d’où ça venait. Il l’avait ressentie au fond de lui, à moins qu’il l’ait imaginée. Pourtant, il se sentait mieux, comme réconforté, par un quelconque miracle auditif, même si au fond, l’arrière goût de ce son, lui avait filé un frisson de dégoût.

- Je n’en sais rien. Mais tu as raison. Il faut avoir un but dans la vie. Et j’en ai un. Mais il ne dépend pas de cette dimension. J’ai beaucoup à faire, et puisque rien ne me retient ici-bas ; j’ai un frère qui m’attend, perdu dans la noirceur totale, dans le vide, damné à jamais. Alors faisons de cette dernière nuit terrienne, un pur délice. Tu as raison… je suis loin d’être un simple humain. »

Une lueur rougeâtre glissa dans ses pupilles, le dieu du chaos renaissait lentement, maintenant réellement libre de déclencher à nouveau sa fureur autour de lui, il ferma les paupières, alors que l’ange s’approchait de lui, savourant le baiser offert par Maël. Cette douce étreinte lui faisait un bien fou. C’était quelque chose qu’il n’avait jamais goûté, sa fureur ne le lui ayant jamais permis de savourer tel moment, paisible à souhait. Peut-être était-ce encore l’influence de cette onde sonore qui résonnait encore à l’intérieure de ses entrailles. Il ne comprenait pas. Il ne comprenait toujours pas l’échange qui avait lieu entre eux.
Angra n’avait jamais vu d’ange, enfin, de véritable ange, pour lui ce n’était que des poulets humanoïdes aux fesses roses que l’on voyait sur les dessins catholiques, dans sa dimensions, les anges n’existaient pas. Il n’y avait que des dieux, plus ou moins importants, avec chacun un pouvoir distinct. Et comme l’équivalent humain n’existait pas dans son monde, il n’y avait point besoin d’ange messager. Personne ne s’intéressait aux esclaves qui vivaient dans sa dimension. Le baiser prit fin, Angra rouvrit les yeux à nouveau rougis par le chaos qui explosait dans son être, sa main brusquement aussi froide que celle d’un mort glissa sur la gorge de l’ange, il se sentait pris d’un tourbillon de sentiments, face à ce mystérieux individu, d’ailleurs, il ne lui fallu pas longtemps pour qu’il se retrouve à califourchon devant lui, qu’importe ce que pensaient les gens devant lui, un mouvement de son indexe les fit disparaître de la considération humaine, il ne voulait pas être dérangé, pas pendant un truc aussi étrange.
Lui qui n’avait jamais eut de réel bagage, lui qui avait pris les chemins les plus sombres et tortueux, il s’arrêtait devant un regard dorée qui n’avait rien d’humain. Ses doigts s’agrippèrent aux vêtements du châtain. Il se sentait flancher devant cet être, il se sentait presque… amoureux. C’était quelque chose qu’il n’avait jamais ressenti, même si cet arrière goût désagréable continuait de l’étreindre au fur et à mesure que son cœur se gonflait de cette vision. Maël avait un pouvoir sur lui, quelque chose qu’il ne comprenait pas. A moins qu’un souvenir oublié ne le poussait à croiser ce regard, encore et encore et y assimiler une toute autre signification. Angra ne savait plus quoi dire. Peut-être que ses yeux le disaient pour lui. Peut-être que… Ses doigts se décrispèrent, puis longèrent les bras, pour enfin glisser ses doigts entre ceux de l’ange. Il se sentait mieux, et terriblement mal. Qu’importe, ce qui explosait en lui n’était plus compréhensible et son cerveau avait décidé de se la jouer solo. Il partait, il partait dans ce chaos miniature. Il avait suivit les rues qui descendait à e bar. C’était le destin qui l’avait mené devant cet homme. Qu’importe ce qu’il pouvait être. Il le voulait. Maintenant, et peut-être pour toujours. Une aura sombre entoura le corps de l’argenté, fraîchement douce, elle aurait pu être pesante, mais elle ne l’était pas, peut-être à cause de ce son qui avait chamboulé son être. Ce n’était plus une envie physique, c’était autre chose. Et les yeux verts qui l’observaient, n’avaient plus rien d’envieux.

- Veux-tu être à moi ? Veux-tu venir avec moi demain ? »

C’était très sérieux. Maël était devenu Aya. Les doigts amoureux qui le serraient, en étaient la preuve. Il voulait qu’il vienne avec lui. Ses mains lâchèrent celle de l’ange pour glisser sur ses joues, effaçant le reste de ses larmes. Il avait réussi à entendre sa détresse. Comment dirait un humain, afin de livrer ce remous qui le secouait.

- Je ne pourrais plus me passer de ce regard. Es-ce toi ? Es-ce toi qui chante de cette façon ? Je ne pourrais plus me passer de ce son. Il me fait du bien. Pars avec moi… Maël. Je t’offre la première place auprès du dieu que je suis. Qu’importe ce que tu es, ce qui te retient ici, ce que je te concède n’a aucun prix. Nombre sont ceux qui désespèrent devant moi. Nos pas ses sont croisés pour quelque chose… mon ange… Moi qui n’ait jamais aimé, ce que te t’offre n’a vraiment aucun prix. »

Avait-il aimé ? Il ne s’en rappelait pas. Et à quoi bon. Les doigts d’Angra glissèrent sur les lèvres de Maël, le dieu du chaos ferait tout pour ne jamais ouvrir ces scellés. Il ne voulait pas savoir ce qui y résidait. Il se sentait bien comme ça. L’eau qui hantait sa vision se fit aspirer dans les ténèbres. Il ne restait que Maël, tout avait définitivement été soustrait à sa mémoire, enfin ça, c’est ce qu’il pensait. Peut-être que quelque chose pourrait se raviver comme une étincelle qui ne demande qu’à brûler.
Pour lors, il brûlait oui, mais pas à cause d’un feu vif d’ange déchu, mais d’une confusion de sentiments passés et présents. Angra se baissa et déposa un chaste baiser sur les lèvres de Maël. Il ne voulait entendre qu’un oui, et quitte à manipuler son esprit… sa main dansa contre le cerveau de l’ange, en des volutes rappelant les danseuses du ventre, le dieu du chaos se baissa vers l’oreille de Maël pour lui souffler des mots qui ferait baisser la balance de son côté, dans un dialecte oublié, mais que l’ange comprendrait parce qu’il le voulait.

- Ne donne pas ta réponse tout de suite, suis-moi, que je te prouve que ce que je dis, n’est pas mensonge malveillant. Angra Mainyu n’a qu’une parole, n’ait pas peur… »

Maël avait une mauvaise impression... Il ne savait pas d'où ce sentiment lui venait, mais quelques chose de mauvais s'insinuait en lui, comme une prémonition néfaste. Bien sûr, il avait perdu le contrôle de ses sentiments, et quasiment celui de sa raison, mais ça n'empêchait pas ce pincement de l'attaquer droit au coeur, ce poison glacial angoissant de le paralyser progressivement... Quelque chose n'allait pas. Dans l'attitude de Ramirez, ou qu'importe son véritable nom... Dans ce qu'il ressentait et lui faisait ressentir de ce fait, cette confusion, ce bien être et ce mal être mêlés... Son ouïe ne répondait qu'à peine à l'appel, les mots avaient bien du mal à être compris, assimilés, et le peu de ce qu'il comprenait, vaguement n'était guère pour le rassurer. Un frère..? Dernière nuit terrienne..? Mais... Et le reste?? Ce reste oublié? Allait-il vraiment le laisser s'évaporer de la sorte, comme si de rien n'était?? Maël n'était sûr de rien, sauf d'une chose... Ramirez allait faire une regrettable erreur. Quoi qu'il ait pu abandonner, étant donné la violence de ce qu'il ressentait, c'était important. D'une manière ou d'une autre. Fuir était lâche et malvenu... Cela arrangerait peut-être le démon, car après tout tel qu'il était et ressentait son existence il serait peut-être un jour capable d'effacer complètement ce qui se cachait au plus profond de lui, mais... Forcément, des séquelles de ses actes seraient faites en ce monde. Qui Maël était-il en train d'aider..? Il ne savait plus... Il suivrait son instinct quoi qu'il en soit, car cet instinct et ce coeur trop gros pour son âme déchirée, c'était bien tout ce qu'il lui restait, tout ce dont en quoi il croyait encore, ainsi qu'à l'aide qu'il pouvait apporter et que méritait nombre d'être sur cette Terre... Et ailleurs. Les larmes ne cessaient plus de couler sur son visage, et il ne parvenait plus à savoir si elles venaient de Ramirez, et du chaos qui régnait en lui... Ou bien si elles lui étaient propres. Cette situation le rendait foncièrement triste, alors même qu'il n'y comprenait rien, tout n'était plus que reliefs abstraits...

Le baiser cessa. Cet instant avait été magique. A la fois magnifique et affreux. Il gardait les yeux mi-clos, car ces derniers ne cessaient plus de luire, ce dont il était conscient, et ce contre quoi il ne pouvait à l'heure actuelle rien faire. Une main glaciale appuya contre sa gorge, mais il se sentait dors et déjà froid, c'était comme de rien... Un vent léger, une caresse...

"Vous ne pouvez pas..."

Bien piètre argument. Il n'avait même pas précisé de quoi il était en train de parler, mais il était totalement transi de peine, et la drogue était en train de lui jouer des tours. Il tremblait comme une feuille... Ramirez devait le sentir, mais ce n'était pas très important après tout... Il avait déjà trahi sa nature surnaturelle. Bien peu lui importait de passer, maintenant, pour le junkie qu'il était contre son gré. Bien peu en importerait au démon... La surprise lui flanqua un méchant coup de fouet et parvint à le détacher un instant de l'emprise des stupéfiants, ainsi que de l'empathie. "Veut tu être à moi? Veux-tu venir avec moi demain?" ... De quoi lui prouver que tout allait de travers. Ca tenait de la catastrophe psychologique... Maël plaça sa main contre la gorge de Ramirez. Il n'était plus bien sûr de ce qu'il souhaitait lui accorder. Mais une chose était sûre: il ne pouvait absolument pas se permettre d'alimenter son délire:

"Je ne suis qu'un étranger. Ne l'oubliez pas."

Mais ça continuait... Et ça continuait de trop... Maël redevenait progressivement Mebahel, oubliant ses années de galère, sa vie de chien galeux, ses habitudes d'humain plongé dans la décadence jusqu'au cou... Mebahel ne partirait certainement pas. Sa place était sur Terre, auprès de ceux qu'il avait choisi de protéger. Son existence n'avait aucune valeur si elle n'était destinée à servir autrui. Ca avait toujours été le cas. Il n'avait jamais été un fou de Dieu, et resterait définitivement le fou des Hommes, ainsi qu'on l'avait créé. Le baiser déposé sur ses lèvres acheva de renforcer sa détermination: il n'avait aucun sens pour lui, et ne devait en avoir aucun pour Ramirez. Il se redressa; sécha ses larmes d'un revers de main sec. Il devait absolument regagner le contrôle, remettre Ramirez sur les rails vu qu'il semblait en être gravement sorti. Il souhaita reculer tandis que le démon approchait ses lèvres de son oreille, cela dit il y avait la banquette, et le mur, derrière... C'était vain. Et une nouvelle salve de propositions affolantes vinrent renforcer sa détermination, alors même qu'il apprenait le véritable nom de son interlocuteur. Angra Mainyu, n'est-ce pas...? Angra Mainyu ou Ramirez... L'identité importait peu. Le problème restait. Et le problème était qu'Angra était en train de faire une bourde en tentant de se servir de lui comme un ersatz d'il ne savait trop quoi... Une fois encore la main de Mebahel se posa contre la gorge de son interlocuteur, le forçant, sans violence mais fermement, à s'éloigner. Il plongea son regard surnaturel dans celui d'Angra, tentant d'y mettre tout le bon sens et toute la détermination qui lui restaient:

"C'est impossible. Ma place est ici, parmi ceux que j'ai choisi de protéger quitte à sacrifier mon existence. Les quitter serait trahir mes engagements. Et je ne suis pas certain que vous soyez à l'heure actuelle capable de prendre des décisions pertinentes. Ce que j'ai ressenti en vous est profond."

Fini, les faux semblants... Fini les paroles détournées... Le rideau s'était ouvert, dévoilant la véritable nature de chacun des acteurs de cette pièce sordide. Mebahel espérait que son interlocuteur finirait par redevenir raisonnable, comme lui venait de le faire. Le chant avait cessé, en même temps que ses yeux s'étaient progressivement éteints, regagnant leur habituelle teinte dorée. Il ne se doutait certes pas du fait qu'Angra était doté de moyens de persuasions plus forts que son esprit ne pourrait l'être, malheureusement... Sans quoi il se serait éclipsé dans la seconde, pour suivre le reste de loin.

Pourquoi ne pouvait-il pas ? Pourquoi ? Il le voulait, il le voulait sciemment. Pour une quelconque raison. Il voulait Maël, ses yeux dorés, son chant doux et mystique. Il voulait cette symbiose qu’il n’avait jamais eut avec personne, pas même Spenta. Cette synchronisation de pouvoirs était tout bonnement alléchante, trop alléchante pour la laisser de côté et l’oublier. Tout était parfait de la sorte. Lui qui n’avait jamais apprécier le contact d’un autre, ni même cette sérénité, pourquoi n’avait-il pas le droit de s’accorder ce genre de plaisir ?
De l’autre côté, il ne pourrait jamais retrouver cette plénitude. Si il l‘emmenait, alors, tout serait parfait. Il pourrait être un vrai roi, lui au dessus de tous, finalement complet. Le destin lui avait offert l’ange gardien dont il avait toujours voulu. Alors pourquoi ne devait-il pas ?
Il le savait, il savait ça, que Maël était un simple étranger. Mais un tel truc, on ne pouvait pas le ressentir deux fois. Pas de cette façon, ne pouvait-il pas comprendre, ne pouvait-il pas le comprendre, ne ressentait-il rien ?! Ce bien-être… ce bien-être peu commun qui s’offrait à eux ? Angra n’était pas du genre à tomber dans les bras de n’importe qui. Si ça n’avait pas été lui, il n’en serait sûrement pas là. Il voulait combler un manque, pour ça, il pouvait le combler physiquement, sur cette banquette, pendant que tous les autres buvaient comme des trous. Là c’était autre chose, quelque chose de plus profond. Une envie de fusion.
Cependant, il se prit un non en pleine tronche. La réaction de Maël lui transperça le cœur, rappelant en échos un autre refus qu’il avait essuyé bien plus tôt. Sa bouche se fit sèche, alors que sa gorge se nouait. Peu importait le nombre de scellés qu’il ficherait à cette chose, chaque choc qu’il se prendrait, lui rappelait ce passé qu’il essayait d’enfermer plus ou moins adroitement. Ramirez détourna le regard, blessé. Il était con, ce genre de chose n’était pas offert pour un être de ténèbres. Il aurait du le savoir. Son ange gardien s’était encore fichu de lui, lui offrant une nouvelle fois quelqu’un d’inaccessible. Ses mains quittèrent le corps de l’ange et Angra se leva sèchement, le visage bas.

- Qu’en sais-tu ? Que sais-tu de moi ? Si je me suis moi-même effacé la mémoire, c’est pour quelque chose. Quelque chose qu’un être comme moi n’est pas en mesure de gérer. J’ai passé ma vie à faire régner le chaos, la destruction, la mort et la maladie, j’ai été puni pour ça. Envoyé dans les abîmes pendant des siècles. J’ai ensuite été enfermé dans un monstre pire que moi, condamné à errer parmi les humains pendant treize longues années. J’ai appris leur vie, leurs… sentiments, au travers d’un autre. J’ai cru un moment que je pourrais moi aussi vivre un truc pareil. Mais la damnation d’Oronomaze n’a pas de limite apparemment ! Dois-je mourir pour qu’il se sente soulagé d’avoir enfanté un être totalement opposer à lui ? Je ne suis pas responsable des méfaits de mon père ! Je n’ai ni demandé à naître, ni demandé à être son bouc émissaire ! »

Angra fronça les sourcils, rempli d’une rage incontrôlable. Ses poings se serrèrent, il aurait bien pu, balancer des coups sur Maël jusqu’à ce qu’il se sente soulager, mais, quelque chose l’en empêchait. Il ne pouvait pas lever la main sur l’être qui avait pu lui prodiguer cet échange salvateur. Il donna un violent coup de pied dans la table en face d’eux, fallait bien qu’il expulse cette animosité sur quelque chose. Le pied pourtant scellé au sol, se plia et rompit faisant chuter la lourde table à terre. Tout le monde se retourna, ce n’est pas parce que Angra les avait rendu invisible aux humains que leurs faits et gestes sur les objets ne seraient pas ressentis par les spectateurs autour d’eux. Il se sentait pas loin de l‘énervement maléfique, ses iris vertes avaient disparues, devenant soudainement rouges et les deux protubérances qui avaient déformées son front depuis le coup de pied dans la table s'étaient changées en deux larges cornes légèrement recourbées d'une couleur sombré, luisant sous la lumière des néons. On avait décidé pour lui de son destin, et il emmerdait sèchement la destiné. Il en avait assez bouffé dans la vie. Personne ne savait et ne saura ce que son âme a vécu dans cet enfer noir dans lequel il avait été enfermé pas deux fois. Maintenant que ce son avait disparut, rien ne l’apaisait plus, plus rien ne le berçait tendrement. Il ferma les yeux, et fit un sourire en coin.

- Bien, tu me suivras peut-être si les humains n’existent plus, si plus rien de cette Terre ne survit au chaos destructeur. Si tu les aimes tant tes humains… tu choisiras peut-être de me suivre… »

Ses deux mains se levèrent lentement dans les airs, remplies d’une lueur noire, cette fois-ci pesante, menaçante, il avait besoin d’exploser un bon coup, et tandis que le mur derrière lui se retrouvait barrer d’une déchirure inter-dimensionnelle, Angra claqua des doigts. Ses pieds quittèrent le sol et sa chevelure argentée se mit à pousser recouvrant ses épaules, puis son dos, comme si il ne les avait jamais coupé.
Il commencerait par le bar et tous les gens qui y buvaient. Une nuée de spectres sombres envahît la pièce. Impalpables et vifs, dispensateurs de maladies plus abjectes les unes que les autres. Un don d’un de ses mauvais génies. Si Oronomaze avait cru qu’en les envoyant dans d’autres dimensions, son fils ne les retrouverait pas, il s’était trompé. Cependant, l’arme n’était plus destinée à son monde, mais à celui-ci. Ils n’attendaient qu’un claquement de doigts, et une épidémie de peste bubonique parcourraient la Terre. Aucun traitement ne serait trouvé, et tous les habitants de la planète Terre mourraient les uns après les autres jusqu’à l’extinction de la race humaine. Il voulait Maël, et si pour ça, le sort de la Terre devait être joué, il le serait, après tout, il n’avait aucune attache ici, les humains pouvaient bien disparaître, il s’en fichait, lui.
Les yeux remplis de larmes, fusillèrent du regard l’ange, débordant d’une haine farouche, il lui avait dit, il lui avait demandé de ne pas répondre maintenant, de venir avec lui et lui tenir compagnie toute cette nuit. Que pouvait bien représenter cette vermine pour un homme comme Maël ? Un frisson lui parcourut l’échine, il voulait encore le sentir contre lui, réentendre ce son merveilleux, sentir ses lèvres contre les siennes, ses mains contre les siennes, comme si Maël en entier était devenu un cachet géant de Spécial K.
Le démon souffla plusieurs fois, comme un taureau prêt à l’attaque, des volutes sombres sortirent de ses lèvres. Il n’avait pas volé son surnom, car l‘homme qui se tenait derrière lui fut pris d’un tremblement, et puis d’un arrêt cardiaque. Une mort propre et nette. Il les détruirait, il ne plaisantait pas. Les ombres fantomatiques parcourraient le bar, s’arrêtant devant leurs futures victimes, impatientes comme des gamines de faire leurs méfaits.
Angra s’avança vers l’ange en lévitant au dessus du parquet usé, il baissa les mains attrapant celles de Maël, son haleine de volute sombre glissa autour de l’ange, il ne voulait pas le tuer, de toute façon, il n’était pas humain, mais l’odeur de mort qu’elle dégageait lui prouverait qu’il était capable de balancer dans le néant la Terre entière. Les yeux du démon le suppliaient presque de revoir sa sentence, même si l’étincelle malveillante ne quittait pas le regard rouge du dieu démoniaque. Une voix rauque s’éleva, tonnant comme une fin du monde.

- Viens avec moi ! Si j’ai le droit de traverser les dimensions, c’est un don que je te ferais. Tu pourras venir les voir tes humains de pacotilles. Quand bon te sembleras. Ne me dis pas que tu n’as as apprécié cet échange, cette symbiose. »

N’y avait-il que lui d’impliqué ? C’était impossible. Pas un truc aussi puissant ?! Puisque Mebahel avait voulu le remettre sur les rails, le voici. Angra Mainyu au plus fort de sa forme, même Ayame n’avait pas encore vu cette facette sinistre d’Angra.

Bon. Visiblement, Maël avait fait une erreur quelque part. Il fallait dire que ce n'était décidément pas sa spécialité de traiter ce genre de problèmes... Plus le temps passait, plus il se le disait, et plus il perdait confiance en ses capacités à régler le cas d'Angra. Déjà que la psychologie d'un humain n'était pas facile à analyser, surtout pour lui... Concernant la psychologie d'un démon tel que celui qu'il avait devant lui, ça tenait du calvaire. Inquiet, il l'observa détourner les yeux... Puis se redresser, sèchement. Il voulut ajouter quelque chose pour calmer le jeu, mais il fut coupé avant même d'avoir l'occasion de commencer à s'exprimer. A défaut, il écouta, prenant peur progressivement, non pas parce qu'Angra l'effrayait, mais parce qu'il craignait fort d'avoir fait exactement le contraire de ce qu'il avait prévu: il l'avait énervé, blessé, foutu dans un état tel qu'il perdait tout bon sens au fur et à mesure que le temps passait. Il lui parlait de son passé, qui certes ne semblait pas simple. Bien peu, qu'importe le monde, pouvaient se vanter d'avoir eu une existence facile. Angra avait ses problèmes, Mebahel les siens... Les humains les leurs, et les autres de même. Il soupira, sourcils froncés. Cette attitude qu'adoptait Angra était mauvaise. Destructrice, pour les autres, et pour lui. C'était trop simple de se plaindre de ce qu'on avait vécu et d'imputer ses malheurs passés présents et futurs à la fatalité... Beaucoup trop simple. Maël ne put s'empêcher de soupirer:

"Tu as fuis... Fuir les difficultés ne résout rien..."

La table vola. Mebahel ferma les yeux, visiblement contrarié. Inspiration, expiration. Il se leva, calmement. Lui aussi allait devoir réparer ses erreurs... La première étant d'avoir été trop loin, pour ensuite se rétracter en comprenant qu'il avait tort d'agir ainsi. Les yeux rouges et les cornes qui venaient de pousser sur la tête de son interlocuteur ne lui disaient absolument rien qui vaille, et à raison. Il manqua de virer couleur cachet d'aspirine, tandis que les menaces lui tombaient sur le coin du nez... Une destruction, la disparition de tous ses "protégés", afin qu'il accepte de le suivre...? C'était de la folie, de la pure folie! Maël n'était qu'un inconnu pour Angra, il était certain que ce dernier était en train de faire un cruel amalgame, d'une manière ou d'une autre... Et Mebahel ne pouvait simplement pas le laisser faire. Ses yeux s'écarquillèrent, puis s'allumèrent de vivacité: l'urgence faisant, il recouvrait l'usage de son cerveau, ce qui n'était pas plus mal... A ce rythme il allait déclencher une catastrophe telle que même une éternelle damnation ne lui semblerait pas assez pour se repentir...

"Calme toi! Impliquer ces gens là dedans n'arrangera rien du tout!"

A raison: si l'humanité n'était plus, et de sa faute en plus, Mebahel ne voudrait même plus vivre... Alors suivre un démon atteint de la folie des grandeurs parce qu'il avait décidé qu'il avait le béguin pour lui, pas même en rêve! Un juron manqua de passer ses lèvres. Il était sérieux en plus! Des spectres étranges commençaient à s'étendre dans la pièce... Maël s'avança, cherchant comment réagir... Une confrontation était impensable! De toutes les manières, il n'était plus ce qu'il avait été, et n'aurait eu très sincèrement aucune chance d'arranger les choses... Puis un homme s'effondra. Hagard, il sursauta, et se tourna directement vers le cadavre... C'était... Non?! Ca ne pouvait pas se passer comme ça...? Il quitta sans attendre sa stupeur et courut en direction de l'homme, s'agenouilla, avant de soulever sa tête... On aurait pu croire qu'il allait prendre son pouls, mais non. Il se contenta de garder sa main posée contre sa nuque, et tenta de reprendre sa respiration, au bord de la panique... Il cherchait un signe... Rien qu'un petit signe, mais...

"... L'âme s'en est allée."

Il serra les dents, et déglutit, difficilement. Il n'en voulait même pas à Angra. C'était sa faute à lui... Et ça s'ajoutait à la longue liste de ses péchés. Même si par hasard il parvenait à...
Le temps était compté, mais ignorer Angra eut été pire que de risquer de laisser l'âme de ce pauvre bougre quitter cette existence. Il releva donc la tête. Il devait une réponse au démon... Et sa réponse devait être persuasive, sans quoi ça finirait mal. TRES mal. La douceur s'en était allée, son visage était dorénavant fermé. Morne. On pouvait même sans doute y lire cette expression blasée qui révélait, sans qu'on puisse vraiment le deviner, sa culpabilité. Maël était vide, il fallait bien le comprendre... Son amour, c'était la vie. Son existence était la condition pour que la vie perdure. Son ego n'existait pas, ses envies étaient mortes nées. Son existence presque humaine lui faisait oublier parfois qu'il n'était qu'une espèce de condensé d'altruisme... Eh bien c'était dans ce genre de moment qu'on pouvait entrevoir la vérité. Et lorsqu'il s'exprima, grave, sa voix s'était faite ferme, et presque sinistre:

"Je vais être franc avec toi. Si l'humanité n'est plus, ne pense même pas m'avoir pour toi, car je n'aurai plus de raison d'exister. Range tes armes, où tu perds tout. Si tu crois que c'est en faisant le forcing et en déclenchant je ne sais quelles catastrophes que tu parviendras à obtenir des résultats, alors tu ne mérites pas de voir mûrir ce que j'ai senti au fond de ton être. Je ne suis qu'une aide de passage. Tu ne devrais même pas me considérer comme un individu à proprement parler..."

Il soupira, et passa avec douceur sa main contre le front du mort, tandis qu'il priait de tout son coeur pour que ce ne soit pas trop tard...

"Laisse-moi deux secondes s'il te plait..."

C'était l'heure de matérialiser ses ailes. Il tendit la main, une lumière douce le nimba, puis se concentra au creux de sa paume tendue... Ce jusqu'à un objet blanc ivoire y tombe. Il jura. Fichtre... Ca n'était pas de ça dont il avait besoin! La peur, l'angoisse, l'empressement... Tous ses sentiments néfastes déformaient ses ailes. Il fronça les sourcils et ferma les yeux, avant de respirer fort à plusieurs reprises... Il devait absolument se calmer. Si il y parvenait alors il restait encore une chance pour qu'un miracle ait lieu... Sinon, il ne s'en remettrait sans doute jamais. Avoir tué un humain pour avoir voulu sauver un démon... Bien heureusement, la chance était de son côté... Quelques secondes suffirent. Il y eut un flash de lumière, et l'objet dans sa main changea de forme... Jusqu'à prendre l'allure d'une petite sphère, laquelle émettait une lumière douce et blanche, qui illumina la pièce. Les mortels ne s'en rendraient pas compte... Par contre Angra lui verrait sans doute tout de ce qui advenait. Progressivement, des choses apparaissaient dans la pièce, des volutes douces, comme des fumées, des lumières... Bien heureusement il y en avait peu. Tant d'âmes en peine aurait été effrayant... L'une d'elles semblait n'avoir pas perdu son chemin. Progressivement, elle montait, montait... On aurait dit une petite sphère rondouillarde, laquelle s'achevait en flammèche. Comme une tige ou un fil, un flagelle, pendouillait à son extrémité luisante. Mebahel pour la première fois depuis qu'Angra avait montré sa facette sombre, eut un sourire sincère, puis il se leva, retirant distraitement ses gants.

"Il est ici..."

La sphère lumineuse qu'il avait lâché était dorénavant en train de virevolter dans la pièce avec enthousiasme... Mebahel leva la main, s'approcha de l'âme en fuite, et enroula autour de ses doigts déformés la tige de cette dernière. Il y eut un grésillement, et il serra les dents. Ses mains étaient dors et déjà maudites... Toucher les âmes encore "vivantes" était devenu pour lui douloureux, presque comme si il s'était agi d'eau bénite. Qu'importe... D'un geste doux, il tira l'âme et l'amena au corps de l'homme décédé. quelque rebondissements, elle s'infiltra dans le corps, et la petite sphère lumineuse, en réalités ses ailes, éclata. Un moment le chant se fit de nouveau entendre, puis la lumière née des débris de la sphère fondit sur Maël, avant de disparaître. Ses pupilles se mirent à luire un instant durant, puis s'éteignirent, alors même que le chant cessait. Mebahel en attendant avait posé ses mains sur le coeur de l'homme, et cette fois-ci, aucun effet visuel n'avait été à noter. Par contre, ce dernier... Avait fini par bouger. Il avait toussoté, ouvert les yeux, hagards, sous les yeux ahuris de ses congénères. Bien. C'était ça de fait, et ça qui le soulageait. Mebahel soupira, puis se releva; radoucit par ce miracle qu'il avait réussi à accomplir in extrémis. Il se tourna à nouveau vers Angra puis s'approcha de lui, conscient qu'il n'en avaient certainement pas terminé:

"Tu m'as donné ton véritable nom, je vais donc te donner le mien. Je suis le chérubin Mebahel. Ex-envoyé des cieux... pour prouver aux hommes que les miracles existent. Dieu m'a rejeté, mais j'ai trouvé le moyen d'échapper à sa sentence. A la fatalité..."

Un sourire fin apparut sur ses lèvres.

"... Crois-tu qu'on le puisse sans se battre? Sans sacrifice, sans souffrance? Je crois que ce que tu as découvert en ce monde quelque chose de magnifique et de douloureux, quoi que mes idées ne soient qu'hypothèses. Tu le gâches égoïstement, et c'est désolant. Je suis venu à toi car j'ai senti que tu avais besoin d'aide... Et je ne t'aiderai certainement pas en servant de bouche-trou. Cela dit..."

Il s'approcha encore. Il prenait des risques, mais il n'avait pas le choix. Sa main, sous la peau de laquelle les écailles apparaissaient, se posa sur la mâchoire du démon. Il n'avait plus tellement peur... Maël était comme ça. Parfois, il devenait totalement inconscient des risques. Et quant aux risques concernant sa personne il s'en fichait.

"Si tu arrêtes ça, et si tu me promets d'essayer de comprendre ce pourquoi tu en es arrivé là, avant de t'éclipser d'ici... J'accepte de venir avec toi pour cette nuit. Tu pourras essayer de me prouver ce que tu veux, quoi que je t'aie déjà dit ce que j'en pensais..."

Ses prunelles ne quittaient plus celles de son vis à vis, figées dans ces dernières avec détermination. On aurait presque pu y lire ce qui ressemblait à une supplication muette...

Fuir ? Oui, il avait fuit, et il n’en avait pas honte. Tout ce qu’il avait fuit, il l’avait fait, pour ne pas être confronter à des crises qu’il ne pouvait pas gérer, car dans le fond, il était le mal absolu, la Némésis de son père. Et tout ce réglait souvent avec lui en un chaos monstrueux. Comme avant lorsque ses pouvoirs avait pris possession de sa raison. Son père avait eut raison de le remettre dans le droit chemin, car il aurait pu détruire l’univers en entier. Mais maintenant, il continuait, alors que ses pouvoirs étaient scellés, alors qu’il prenait garde à ne pas trop les utiliser, il n’arrêtait pas de lui en fiche plein le nez. Qu’importe, le dit père ne lui prendrait plus le chou très longtemps. Il avait décidé d’en finir avec la vie de son paternel, c’était à lui de prendre ses responsabilité !
Mais avant ça, par caprice, ou peut-être parce que cet échange l’avait vraiment retourné, Angra voulait Maël. N’oublions pas qu’après tout les sens ressentis par le corps ne lui sont encore que peu commun, et y’avait encore certaines choses qu’il gérait très difficilement voir pas du tout.
Il avait décidé de s’en prendre à ce que l’ange chérissait le plus, pour le faire fléchir, pour l’amener avec lui, dans son monde, il lui offrirait tout, tout ce qu’il désirait et n’avait jamais osé espérer. Avec ce qu’il avait emprunté à Han-Ryu, il en était capable. Alors il ne comprenait pas pourquoi le châtain ne parlait que de l’humanité. Ces gens là ne lui donneraient rien, ils n’avaient rien, ne possédaient rien, et à part la pitié, ils ne lui inspiraient rien du tout. Si Maël voulait faire le bien, il le pouvait aussi chez lui. Les goules de son monde le vénéreraient comme un sauveur descendu du ciel. Ha tient, ça le fit tiquer une seconde, mais Angra oublia cette hypothèse. Si un être de la lumière divine l’avait approché, il aurait frit sur place et ce n’était pas le cas, alors…
Quelqu’un tomba, il avait sûrement trop soufflé, ce n’était pas voulu, mais tant pis, c’était fait. Enfin… Maël s’empressa d’aller s’en assurer. Oui, l’âme s’en était allée, normal, Angra Maniyu le dieu du chaos destructeur avait répandu la mort par le venin qui résidait à l’intérieur de son corps. Il ne pouvait plus rien faire pour cet homme. Plus rien. L’ange se tourna vers lui. Son expression, il ne l’aimait pas. Allait-il dire qu’il ne vouait plus le voir, parce qu’il avait tué un de ses protégé ? Non… même pas. C’était pire que ça. Angra ouvrit deux gros yeux médusés, Maël était prêt à mourir pour les humains. Pour qui Angra était prêt à faire un tel sacrifice ? Une sensation ignoble lui monta à la gorge pendant que son regard clignotait comme un feu tricolore. Il se laissait encore perdre, perdre dans la rage destructrice, et si les scellés n’avaient pas été posés, dieu sait ce qu’il aurait été capable de faire. Il n’avait rien appris, rien retenu de tout ça. Finalement le rouge triompha, mais rasséréné, Angra ne bougea plus, regardant Maël impassiblement. Une aide de passage ? Non, pas de passage ! Angra le refusait !
Les bras ballant, une lumière captivante lui attira le regard, que faisait Maël ? Il ne comprenait pas, mais quelque chose tomba dans sa main. Avait-il des pouvoirs comme Han-Ryu ? Et à quoi servait une telle chose ? Angra s’approcha pour voir de plus prêt ce qu’était l’objet en question et pourquoi il semblait décevoir son invocateur. Ca ne ressemblait à rien de ce qu’il avait pu voir sur terre. Et malheur à lui, de s’être approché si près, car la lumière que distilla Maël pendant un court instant lui crama les pupilles. Le démon poussa un court cri, mettant ses bras pour cacher son visage stigmaté et il tomba à terre. Ce flash avait été trop vif, ses bras fumaient, un grognement de mécontentement le secoua. Il n’aimait pas la lumière, vraiment pas, surtout dans cet état, trop proche du mal absolu. Dans le genre illumination, il n’en perdit pas une miette, puisque la boule bizarre que Maël tenait dans les mains le fit reculer rapidement. Non, sérieux, il voulait le tuer ?! Fallait le dire sinon. Angra rampa à quatre pattes parmi ses ouailles qui retournaient dardar dans leur monde de nuit. Ça faisait mal, trop mal, et pourtant il ne pouvait s’empêcher de regarder, il ne pouvait s’empêcher de mirer un tel spectacle, c’était beau… il ressemblait tellement à un ange comme ça. Il lui manquait les grandes ailes duveteuses. Quelque chose apparut devant lui, quelque chose de bizarre. Il ne pu s’empêcher de la toucher de son indexe. Quoi qu’es-ce ? L’indexe s’approcha de la forme, et recula vivement accompagné d’un cri aigu. Ça faisait mal ! Angra était paumé, d’ailleurs lorsqu’une autre balle chelou s’amusa à flotter à côté de lui, le démon se précipita vers le mur et s’y plaqua. Il n’avait pas tellement envie de réitérer ce contact ! D’ailleurs son doigt encore fumant le faisait souffrir le martyr. Alors… mais alors…Angra dévia son regard vers la main enfin dévoilée. Etrange… qu’elle était étrange cette main, bien loin du reste quasi pur de son corps. Ses doigts devaient déguster ! Au fait ? Il ne comprenait toujours pas ce spectacle étrange. Il ne comprit rien, jusqu’à ce que la balle retourne dans son corps. C’était… c’était des âmes ? Les humains parlaient souvent de ce genre de chose. Angra se prit à rêver quelques secondes. En avait-il une ? Il ne savait pas. Il ne l’avait jamais vu.
Le chant apparut enfin, et un dernier éclat de lumière le transperça. Les ténèbres n’étaient pas faites pour côtoyer ce genre de chose. La fissure dans le mur dégoulina, puis se referma. Il n’y avait plus rien. Angra restait là, tremblant et fumant, les yeux dans le vague. Ses cheveux étaient restés longs, même si à présent, ses cornes et ses yeux rouges s’étaient dissipés dans la lumière immaculée. Il avait envie de pleurer, enfin, non, il pleurait ! Ses joues étaient humides, il se sentait triste, il se sentait vide. Son aura sombre diminua de moitié pour enfin disparaître. Ce son lui filait le cafard, une sorte de mélancolie indicible. Le chant n’était déjà plus, mais, son effet ne s’était pas encore dissipé. Le démon attrapa ses genoux et glissa son visage dessus. Il s’était encore perdu dans ses pouvoirs. Pourquoi entendait-il comme un sermon au fond de lui. Ce n’était pas comme ça que l’on attirer quelqu’un à soit. Pas par manipulation, pas non plus par chantage. Angra se sentait minable. Son attention fut capté par un cri. Un cri aigu et faible, comme une petite chauve sourit. Une de ses ombres s’était enfoui dans le sol pour survivre, Angra l’attira à lui et la renvoya d’où elle venait. Il regarda du coin de l’œil l’homme reprendre vie. Maël était donc… un…
Il eut la réponse. Chérubin. Un chérubin ? Son regard le longea de bas en haut. Où étaient ses grandes ailes blanches ? Pourquoi ne lui avait-il pas fait de mal en le touchant, et pourquoi diable un ange s’intéresserait à lui, hein ? Sa bouche fit une moue enfantine, il ne put s’empêcher cette question.

- Où sont tes ailes blanches ? »

La main étrange de l’ange s’approcha de lui, que lui arrivait-il ? Pourquoi ces écailles ? Rejeté de dieu ? Etait-ce là une punition divine ? Es-ce que le dieu d’ici ressemblait à Oromaze ? Angra ferma les yeux, et profita de cet instant, pour glisser sa joue contre cette main et l’embrassa. Lorsqu’il rouvrit les yeux, ceux-ci se levèrent vers les deux billes dorées de Mebahel. Un rire passa entre ses lèvres, nerveux. Comment un être tel que lui se retrouvait pris sous le charme d’un être pur ? C’était… risible. D’ailleurs il ne put s’empêcher de rire, de rire à la limite de la folie. Angra se releva tant bien que mal mélangé entre une crise de larme et de rire, sa main se posa contre le mur.

- Je suis sûr que père doit trouver ça amusant ! Le dieu du chaos sous le charme d’un envoyé du dieu humain ! Je suis en plein délire ! L’ombre et la lumière ne se mélangent pas, c’est un principe de base, la guerre entre le bien et le mal, entre la lumière et l’obscurité. Depuis quand les saint poulets s’occupent du bien de misérables êtres de nuit comme moi ? Depuis quand un dieu chaotique se laisse baigner d’une lumière sacrée ? »

Angra s’arrêta de rire. Malgré la douleur, il avait aimait ça. Il avait aimé le regarder, écouter son chant, se laisser hypnotiser par la danse de cette sphère… Angra soupira, passa une main sur son front. Il ne voulait pas se retourner, il ne voulait pas faire face à cette créature du bien.

- Mebahel ? Tu ne risques pas la fureur de ton dieu, pour suivre un être comme moi ? Je ne veux pas qu’il t’arrive quoi que se soit par ma faute. Je suis une erreur de la nature, incapable de me contrôler. Je n’ai pas le droit de toucher un être aussi pur que toi. Mais aussi fou que cela puisse paraître j’aime ta compagnie, l’effet que tu as sur moi. Je ne parle pas à de bouche trou. Je parle d’une sensation qui m’a traversé quand j’étais sur tes genoux. Quoi qu’il se soit passé dans mon passé ce truc… que tu m’as fait, je ne suis pas prêt de l’oublier. »

Angra se retourna enfin, il baissa les yeux et tandis la main. Si Maël venait il en serait heureux, mais si il devait s’en aller, alors il comprendrait.

Ses ailes blanches hein...? Mebahel eut un petit sourire amusé, mais préféra s'abstenir de répondre. Il avait d'autres sujet plus important à aborder. Ses ailes, Angra avait dors et déjà eu l'occasion de les voir à l'action, même si ce n'était sans aucun doute pas très clair pour lui. Ce n'était pas sous ce genre d'apparence que l'on s'imaginait les ailes d'un ange... Mais il n'était pas temps de lui faire une démonstration, et de donner à ses ailes leur forme la plus connue. Nop... Il préféra s'approcher, pour lui faire une proposition. Proposition que le démon malheureusement éluda, suite à un bref baiser dont Mebahel n'était pas certain de comprendre la signification. Angra se retourna, prit d'un rire nerveux. Les poumons de l'ange se vidèrent de leur contenu, non sans une certain déception. Il aurait voulu une réponse... Mais Angra semblait plus enclin à rire de la situation qu'à autre chose. Pourquoi y aurait-il fallu faire cette séparation? Ombre et lumière ne se mélangeant pas hein..? Et pourquoi donc. Pour Mebahel ces notions "de base", de bien, de mal, n'étaient que relatives. Fondamentalement inexistantes en un sens, même si l'on ne pouvait nier les essences divines et diaboliques qui rythmaient la vie de ses collègues "de sang". Il ne voulait pas être limité, censuré, faute à ce genre de considérations. De toutes les manières, sa "sainteté" était volée, il n'y avait concrètement plus droit. Il aurait du être déchu depuis longtemps. Il faisait le bien... Mais son existence était neutre.

"Et pourquoi cela ne pourrait-il pas être le cas, concrètement? Ces considérations sont accessoires."

Il passa une main dans ses cheveux, et se releva, tout en prenant grand soin d'écouter les réactions de son interlocuteur. Par chance, il s'était calmé...Mais il était hors de question de l'énerver une fois encore, et qu'il perde de nouveau tout sens commun, pour partir dans un délire dangereux similaire à celui qu'il venait de se payer, et qui venait de manquer de tuer un homme. Il s'inquiétait pour les retombées qui risquaient de lui retomber sur le coin du bec, hein...? Oh... A ce sujet, il n'y avait pas de soucis à se faire concrètement... La fureur de Dieu était tombée sur lui il y avait longtemps, et ne cessait depuis lors de l'handicaper. Il l'avait contournée, pour un temps indéterminé. Il avait péché, dans un moment de folie avait même ôté la vie, trompé, brisé tout ce en quoi il croyait... Il ne pouvait plus retourner en arrière, de toutes les manières qui soient. Le démon se retourna, yeux bas, main tendue... Mebahel s'approcha d'un pas, souriant, à nouveau doux. Il fallait mettre les choses au point:

"La fureur du Créateur s'est abattue sur moi il y a bien longtemps de ça. Si je n'avais su lui réchapper, je serais dors et déjà déchu. Il ne sait plus où je me trouve, il me recherche pour achever de me retirer le peu de bien que je peux faire sur Terre. Considère que je suis à mon propre compte. Et je ne juge pas à la nature du client, si tu vois ce que je veux dire."

Bien. Ca, c'était fait. Mais ce n'était pas tout... Une sensation l'avait traversé lorsque Angra était sur les genoux de Mebahel, hein? Ses ailes avaient encore fait des leurs... Mebahel était heureux d'avoir su apaiser quelque chose dans le coeur du démon, mais ce qu'il avait ressenti n'était assurément pas quelque chose qui méritait qu'Angra s'engage avec Mebahel, et vice versa.

"Ce que tu as entendu, c'était le chant de mes ailes. Je suis drogué, je n'ai pas fait exprès de l'enclencher, je ne le contrôle pas parfaitement. Il est connu pour apaiser les cœurs et les mœurs. Il m'offre une capacité d'empathie qui m'a permis un instant de me sentir à ta place. Tout Ange possède ce don, je ne veux pas que tu te lies à moi bêtement pour ce genre de détails. Je ne veux pas risquer d'usurper une place prise. Mais un accord est un accord, et le mien tient toujours."

Il prit la main tendue d'Angra dans ses presque griffes, et ne lâcha pas une seconde ses yeux.

"Es-tu capable de tenir un engagement?"

Son regard était plein de tristesse, en fin de compte... Il avait peur d'essuyer un refus, lui qui voulait simplement faire au mieux. Il ne savait pas ce qu'Angra avait abandonné, mais son caractère... chaotique, l'avait peut-être fait abandonner trop vite. Si Mebahel se trompait, il serait temps de revenir en arrière. Mais plus tard.

Pourquoi ça ne pouvait pas être le cas ? Mais parce que le clan de la lumière n’était pas prêt à accepter l’ombre qu’elle avait enfanté. Parce que les êtres de l’ombre étaient bannis des terres fertiles pour se cacher dans les grottes humides et poisseuses. Parce que la guerre les avait toujours désuni, et ce bien avant le commencement de la vie. Parce que c’était comme ça. C’était aussi simple que ça. Un équilibre précaire instauré par la folie des êtres à vouloir devenir calife à la place du calife. Il n’y avait pas que les humains qui courraient après le pouvoir, malheureusement !
Ce qu’il comprenait pas c’était qu’un être bon pouvait être déchu par un autre être bon. Où était la logique ? Maël était d’une grande bonté, pourquoi devait-il apprendre la déchéance ? Rien n’allait dans ce bas monde, rien du tout ! On n’avait pas le droit de faire une telle chose à Maël ! Il aidait, c’était son but premier, et comme il venait de le dire, il se fichait de cette démarcation. Il aidait même les démons dans leur misère. Une lueur rouge passa furtivement dans ses prunelles, il haïssait le dieu des humains, du plus profond de son âme. Il ne l’avait jamais vu, mais le calvaire de Mebahel était suffisant pour que sa haine soit justifiée. Qu’importe ce que l’ange pensait, Angra ne pouvait s’empêcher d’avoir une certaine affection pour le châtain, même si ça venait à cause du chant de ses ailes, même si il pouvait ressentir ça avec un autre ange, c’était lui, c’était lui qui avait apaisé ses tourments. Il devait faire quelque chose pour l’ange, comme une sorte de prêter pour un rendu.
Angra fit un sourire, il attrapa la main et la caressa comme un objet précieux.

- Non, Angra est changeant, on ne peut totalement li faire confiance, mais il sait faire de grands efforts en de rares occasions. Et tu es l’une des plus belles des occasions dont j’ai eut à faire. »

Un être de la nuit, et un être de lumière ? Hein ? Le destin était amusant et blessant en même temps. Angra mit un genou en terre, pour approcher ses lèvres de la main tendue, il ferma les yeux, et au bout de longues secondes d’une douleur quasi insoutenable, la main de Mebahel retrouva sa blancheur d’antan. Bien entendu ça ne resterait pas. Une belle illusion comme Han-Ryu savait les faire. Angra venait de comprendre l’un des fonctionnements de ce nouveau pouvoir. L‘utilisateur ne pouvait lui même exaucer ses souhaits, cette main retrouverait ses écailles dès qu’il ne la toucherait plus. Il ne savait trop cependant si la douleur venait de ce point ou du caractère saint déchu de l’ange devant lui. Un goût métallique explosa dans sa bouche, cependant Angra fit mine de rien. Il se releva et tira Maël hors du bar. La nuit était déjà bien avancée, il serra un peu plus cette main, et sans rien dire, il avança dans les rues quasi désertes. Il priait pour ne pas tomber sur une bande de loubards, car ce n’était définitivement pas là, la place d’un ange. Il ne voulait pas penser à demain. Il avait un peu peur de ce que ça donnerait. L’ange ne le suivrait pas, et retourner là bas seul ne l’enchantait guère, il ne savait pas si il devait finalement partir. Ne plus le revoir, ça serait… une bêtise. A moins qu’il ne fasse des allées et venues entre les deux mondes, pour venir voir son ange et passer un peu de temps avec lui, sans le gêner dans sa tâche. Un sourire illumina son visage. Oui, il ferait ça comme ça.

- Tu habites où, toi ? Dans le quartier ? »

Angra tourna et se stoppa devant sa villa. Il ne savait plus trop comment il en était arrivé à s’acheter une telle merveille c’était loin de sa grotte glaciale. Il aimait l’architecture humaine.

- Ça te dit d’être mon colocataire. Arès tout, je serais souvent absent, et cette villa mérite qu’on s’occupe un peu d’elle. Je sais que tu ne me suivras pas demain, qu’importe ce que je vais te dire, ce que je vais te faire. Et je me refuse de te laver le cerveau pour m’accompagner là bas. Ce n’est pas un monde pour toi. Mais si tu le permets, je viendrais te voir de temps en temps. »

Il avait l'air en piteux état son ange, peut-être à cause de la drogue. Il se demandait pourquoi il faisait ça, mais il avait sans doute une véritable raison. Il se doutait presque d'un caractère détaché comme les moines quitte à rien manger, rien posséder pour le bien d'autrui. Après tout, les anges en plus à moitié déchu ne devait plus rien espérer de là haut. Mebahel devait être abandonné, ici... si il avait besoin d'un toit, y'avait de quoi. Il y avait déjà deux chambres et sûr qu'on pouvait en faire d'autres. Les soirs de grands froid, ou de pluie, il saurait où aller frapper. Un nouveau sourire, Angra se frotta le crâne avant de se tourner vers l’ange en ricanant.

- Tu permets que je fasse un truc vraiment humain ? »

Le démon remit sa crinière en place, elle arrêtait pas de se mettre devant ses yeux, c’était assez ennuyant ! Le basané s’approcha soudainement de l’ange, avec un sourire rieur. Ils pouvaient bien s’évader pour quelques heures de tout ça. Un bras plié contre son estomac, l’autre dans son dos, il s’inclina devant Maël, laissant à nouveau sa chevelure glisser dans le vide et faire ce quelle voulait portée par le vent..

- Je ne vous laisserais pénétrer cet antre que si vous me faites l’honneur de vous porter, mon Ange. »

Mebahel soupira intérieurement, le suspens tomba. Pas d'engagement. Des efforts, peut-être, mais peut-être même pas dans le sens où il aurait voulu l'entendre... Il ne savait pas si les siens, d'efforts, allaient aboutir à quoi que ce soit. Mais si il ne faisait rien, si il partait simplement, ce serait pire: il serait certain de n'aboutir à rien, et mettrait nombre de vies en danger, les laissant face au courroux potentiel d'Angra. Il aurait vraiment souhaité que le démon ne "s'attache" pas si rapidement à lui... Il n'était pas une occasion. Il était un soutien. Et un soutien qui n'avait absolument pas demandé à prendre de l'importance. Il se sentait mal à l'aise, à une place qui n'était et ne devait pas lui être réservée. Mais bon... Si il n'y avait que ça pour que son interlocuteur tente d'écouter ne serait-ce qu'un peu ses conseils...

"Dans ce cas j'ose espérer que tu fasses des efforts là où il en faut, car c'est bien la seule des demandes que je te ferai jamais."

On verrait bien... En attendant... Il se tut, étonné face à ce qui était en train de se passer. Angra était à terre, à genoux face à lui... Euh... C'était quoi ça? Un sorte de baise main... Au bout duquel sa main connut une drôle de sensation... Jusqu'à retrouver allure et couleur d'antan. Maël cligna des yeux, plutôt surpris, quoi que concrètement, ce stigmate de sa presque-damnation fut pour lui devenu habituel... Retrouver cette pureté feinte n'était pas quelque chose qui le rendrait heureux... Ca lui faisait juste bizarre. Assez bizarre pour qu'il demande, perplexe:

"Qu'as tu fait...?"

Pour finalement se taire jusqu'à la sortie du bar. Et même plus loin. Mebahel n'avait pas peur, et faisait confiance à Angra autant qu'il le pouvait. Il voulait croire en lui, et à ce qui pourrait ressortir de son intervention... Un question finalement lui fut posée, ce qui le tira de sa presque léthargie... Petit sourire en coin.

"Je n'habite nulle part. Je voyage... Cette ville comme ce pays sont une étape pour moi, je ne sais pas combien de temps je resterai ici."

Certainement pas trop longtemps, sauf si il le fallait pour une raison ou pour une autre. Des miracles condensés dans une même ville pendant des mois, ça se remarquait... Il allait se retrouver avec les soldats de Dieu aux fesses, et si il se faisait coincer, il était bon pour la déchéance. Bref... Ils s'arrêtèrent... devant une villa. La chose n'étonna pas Maël... après tout, Angra était un démon. De là ça ne devait pas lui être difficile de se procurer une bâtisse de cette envergure, par un quelconque moyen (lol ). Il lui fit une nouvelle proposition, laquelle fut accueillie par une expression contrite, tournée en direction de la demeure... Colocataire, hein..? C'était une proposition qui aurait presque pu paraître alléchante - si ça n'avait pas risqué d'aggraver les choses - , certes, mais il ne pouvait pas accepter, pour les raisons précédentes, qu'il n'avait certes pas encore cité. Plutôt que de risquer de faire changer Angra d'humeur une nouvelle fois, et d'alimenter une nouvelle et dangereuse crise, il préféra éviter de répondre. Il en aurait le temps par la suite. Peut-être n'aurait-il même pas besoin d'émettre un quelconque refus, à condition que le démon finisse par comprendre la raison profonde qui faisait qu'il s'était si vite attaché à lui. Un coup de foudre pareil, ça n'existait pas... Bref. Déjà, autre chose l'intriguait. Quelque chose de vraiment humain, hein..? Perplexe, il cligna des yeux, puis répondit simplement:

"Ma foi oui..."

Paf. Double perplexité dans la tronche, car Angra venait de s'incliner devant lui. Encore une drôle de manie... Il y avait des fois où il se demandait si la drogue ne lui faisait pas avoir quelque hallucinations... Cela dit ce qu'il venait d'entendre n'en était certainement pas une. Cette demande était plutôt spéciale, mais qu'importe après tout, c'était superficiel, et Mebahel n'avait rien à faire de l'allure qu'il pouvait avoir. La preuve: marcher de traviole les cheveux en vrac et l'allure débraillée ne lui faisait ni chaud ni froid, alors, finir le trajet les pieds en l'air sans même avoir sorti ses ailes, non plus.

"Ca ne me dérange pas, si c'est ce que tu souhaites absolument."

Simple sourire. A ce stade, il se demandait encore comment les choses allaient se passer.