Retrouvailles quelque peu différentes [réservé]

Le jour était beau, et le ciel dégagé. Il faisait suffisamment bon pour ne pas se sentir étouffé et dans la rue commerciale, des dizaine de gens affichaient une expression contentée, se baladant seuls, en groupes, en couples. Personne ne voyait dans cette foule sans souci apparent la petite silhouette qui se faufilait entre les passants. Il marchait vite, le regard baissé, tenant un classeur contre sa poitrine tel un bouclier. Il semblait craintif et en même temps trop fier pour dévisager ceux qui le dépassaient, ou passaient à côté de lui. Dans cette foule compacte des beaux jours, personne ne voyait son regard cloué au sol, ce regard rouge et doré qui glaçait et brûlait à la fois par sa complexité et sa mélancolie étrange qu'on n'arrivait pas à vraiment déterminer.

Habillé de son uniforme scolaire, Uwabe donnait l'impression d'être un étudiant sérieux, tout juste arrivé en ville. Son premier jour était fini et il rentrait dans un appartement qu'il avait trouvé. Les choses avaient été confuses. Bien que son énergie spirituelle fût à son maximum, et sa puissance parfaite, il connaissait toujours cette impression de n'être jamais tout à fait lui: en lui, l'âme de l'homme qui lui avait permis de retrouver des forces était là, vague comme une brume, mais forte comme une poigne. Ce jeune homme qui était mort en tenant une clé d'or, baignant dans son sang, et qui lui avait finalement demandé deux choses : finir le travail qu'on lui avait attribué, à savoir tuer l'homme politique qui commençait à faire de l'ombre au clan mafieux pour lequel le jeune homme travaillait, et ensuite retrouver une personne qui avait énormément compté pour le tueur.

"Maxime Brickfielder...", songea Uwabe, fixant le sol, évitant les déchets par terre.

C'était un jeune homme blond, plutôt beau, mais dont le visage avait été scindé par une brûlure lisse et brillante, à la couleur mate. Il y avait eu dans ses yeux noirs, au moment de mourir, aucune peur. Juste de la colère, et une grande tristesse. La tristesse de ne pas avoir pu tout faire. Uwabe avait promis. Et Maxime était à présent en lui, présence tiède comme une peau contre la sienne.

Maxime lui avait fait passer des messages, des images troubles, des noms. Grâce à ses relations, il avait permis au travers d'Uwabe de retrouver cette personne qui avait tant compté pour lui, d'avoir un appartement, et de prendre comme apparence celle d'un jeune lycéen. Uwabe ne savait pas combien de temps tout cela allait prendre, ni même quel était le véritable but de Maxime. Ce n'était pas important, après tout. C'était un démon, et comme le pacte avait été signé, il tiendrait sa parole comme la loi secrète, celle dans le sang, l'avait décidé. Peu importait la cruauté d'un démon, tant que les deux parties étaient loyales, et honnêtes, tout se passait bien.

Uwabe releva doucement la tête à un instant, ne voulant pas se cogner contre quelqu'un. La foule devenait de plus en plus dense et fixer le sol en continu n'allait pas lui faire que du bien. A cet instant, alors que son regard balayait la foule sans réelle importance, une pulsation chaude, comme une main sur le creux de sa nuque, se fit sentir. La main de Maxime qui le forçait à renforcer son attention.

Il est là...

Et il le vit, près d'une vitrine, ignorant ce regard posé sur lui. C'était un jeune homme au visage d'une grande finesse, aux yeux bleus qui sous la lumière devenaient presque incolores, brillant comme une eau exposée au soleil. Fixant quelque chose dans la vitrine, il passa une main dans ses cheveux châtain, remettant une mèche derrière son oreille. C'était un geste simple, mais étrangement gracieux et élégant. Uwabe, abasourdi par cette sensation de chaleur, se figea, les membres roidis. C'était lui, c'était cette personne qui avait tant compté pour Maxime, il le savait. Des images lui vinrent alors en mémoire, pleines d'une émotion contenue, entre la mélancolie, la joie et une certaine amertume. Il vit ce garçon souriant tristement, et Maxime qui posait une main gantée sur sa joue, ses yeux noirs chauds et rassurants. La chaleur d'une main, et une seule fois, juste une, mais précise comme jamais, celle d'une bouche.

Uwabe tressaillit. Les sentiments de Maxime étaient trop forts pour être contenus aussi longtemps. Il regarda le jeune homme et sut à cet instant précis comment il s'appelait.

- R... Ryan?

Sa voix avait été coupée par l'émotion. Le jeune homme ne devait pas l'avoir entendu.

- Ryan!!

Serrant son classeur contre sa poitrine, Uwabe se sentit comme enlacé par Maxime, et eut un léger sourire. Ce sourire narquois, assuré et en même rassurant, que Maxime avait adressé pour la première fois à Ryan.

[post très long, désolée ^^;;]

Bien, bien, bien, aujourd'hui que ferait-il ? Lui et son lapin parcourraient les rues d'Hokubu, c'était une ville charmante, bien qu'elle ne lui offrait pas les réponses qu'il cherchait. Non, au contraire. Chaque pièce du puzzle restait sans réponse. Le jeune irlandais soupira il ne retrouverait jamais Maxime. Le monde était bien trop grand pour qu'un tel miracle se produise. Il n'était pas un surhomme, juste un petit hôte à la noix qui n'avait rien d'extraordinaire.
Il ne savait pas trop où il allait, de quel coté chercher ? Ryan regarda son petit lapin et lui envoya un grand sourire. Il avait raison, il ne fallait pas se laisser abattre. Il était encore en vie. Et tant qu'il y avait de la vie, il y avait de l'espoir ! Il retrouverait Maxime ! L'hôte inclina la tête et se décida à continuer sa route, qu'importe où il se retrouverait, c'est en n'ayant aucun but que les réponses viendraient à lui.
Il se mit à chantonner, il ne savait pas d'où venait cet air, mais il était plein d'entrain et de gaité. Où allait-il ? Dieu seul le savait, parmi tout ces gens, anonyme jusqu'à l'os. Ici, personne ne le connaissait, personne ne savait ses pratiques... enfin, à part l'autre fou d'Andreï, il était l'anonyme du coin, le gars que tout le monde regarde, parce qu'il est européen et qu'on oublie aussitôt.

- Oh, oui, je dois te trouver à manger, je suis sûr que tu as faim. Moi aussi d'ailleurs !"

Maintenant, il était papa, et il fallait bien s'occuper de son fiston, c'était un devoir ! Les vers ne demandaient pas beaucoup d'attention, mais Maxou, si... énormément, d'ailleurs. Ryan lui tapota la tête, tandis que le lagomorphe jouait de son nez et regardait le monde depuis la poche du manteau de l'apprenti tueur. Il l'avait acheté pour faire comme son mentor, noir, comme Adam. Il n'avait pas pris de chapeau, non, il vouait jouer de son visage enfantin. Bon, il avait pas encore d'arme, il avait pas encore de cible, mais ça viendrait. Il avait fait de gros efforts depuis qu'il avait emménagé à Los Alamos. Il avait appris à lire, écrire correctement, à se battre. Adam lui avait appris tellement de chose. Il lui en était redevable. Il voulait faire ses preuves, alors, il avait été envoyé pour espionner un possible client d'Adam. Il l'avait rencontré une fois, mais il s'était fait chopper, et comme d'habitude ça avait terminé dans un lit. Autant qu'il reste hôte dans ses coups de temps là. Un hôte serial killer... heuu ça faisait peur ça !
Il en avait parcouru du chemin, dans les traces de Maxime, changeant de cap, rien que pour le retrouver. La bouille d'ange se posa devant une vitrine, de la nourriture pour animaux ! Cooooool ! Juste ce qu'il lui fallait. Maxime bougea dans sa poche, il semblait impatient, alors... pas de question à se poser de questions, il allait rentrer.

Ryan !

Hein ? Qui l'appelait ? L'hôte fut pris d'un frisson, oh, non, s'il vous plait ! Pas Andreï ! Le pauvre châtain se retourna avec crainte, mais il ne vit pas un roux juste derrière lui, non, du tout, c'était un brun. Il ne l'avait jamais vu, mais alors jamais ! Comment savait-il son nom, hein ? Et pourquoi ce sourire lui était familier ? Ryan se crispa. Ne lui dite pas qu'il était tombé sur un ancien client ???!!! NOOOOOOOOOOONNNNNNNNNNN ! Une moue mitigée lui accapara le visage et puis Ryan soupira.

- Je suis désolé, vous devez me prendre pour quelqu'un d'autre !"

Et maintenant on se replie dans la boutique des fois que le gars essayerait de le trainer dans un hôtel en souvenir du bon temps ! Il était en vacances, en train d'apprendre un nouveau métier ! Ne pouvait-on pas le laisser tranquille ? L'irlandais s'arrêta soudainement. Pourquoi ce sourire lui avait dit quelque chose ? Pourquoi l'avait-il rendu soudain si... mélancolique ? Etait-ce un coup des esprits dont parlait Andreï ?? Hooou ça faisait peur !

- Aller vient Maxime, on va t'acheter pleiiin de nourriture et puis il va te falloir une cage, que tu grignotes plus les fils électriques."

Le châtain se retourna une nouvelle fois. Ce brun, il était sûr, mais sûr que ce n'était pas un ancien client, il avait l'air trop jeune, alors... qui était-il ? trop occuper à regarder celui qui l'avait appelé par son prénom l'hôte entra dans une pile de boites pour rat et fit tout dégringoler.

- ... ... Pardoooooooooon !"

Quelle nouille voilà ce qui arrivait quand on regardait pas devant soit !

[j'avais pas vuuuuuuuuuuuuuu pardoon T___T]

Au moment où Ryan se cogna contre les boîtes dans un bruit sourd, Uwabe se rappela de cette maladresse qui le caractérisait, qu'il semblait lui-même connaître. La présence chaude de Maxime en lui fit passer dans son corps une sorte de sentiment doux, comme une sorte de rire légèrement moqueur. Ne perdant pas une seconde, Uwabe se précipita dans la boutique et vit le jeune homme gêné, s'excusant pour sa conduite.

- Est-ce que ça va? demanda poliment Uwabe, se sentant d'un coup très bête.

Il ne savait pas ce qu'il faisait, ne savait pas à quoi il pouvait faire allusion. Il sentait pertinemment que Ryan ne le connaissait pas, ou pour être précis, ne concevait pas en lui la présence de Maxime, son âme. Il ne voyait qu'un jeune garçon pâle et étrange, trop jeune pour être un autre, trop... autre, justement.

Il se pencha et tendit une main au jeune homme pour l'aider à se relever.

- Je suis désolé de vous avoir dérangé...

Il se mordit la langue, évitant de l'appeler une nouvelle fois par son prénom. Que devait-il faire à présent? Maxime ne lui avait montré que quelques images, une ébauche de souvenirs, mais que voulait-il? Il fixa les yeux clairs du jeune homme, et sentit en lui une émotion qui n'était pas sienne, une chaleur indicible. Une envie brusque d'embrasser Ryan lui vint, une impulsion sauvage de Maxime, une joie de retrouvailles.

- Vous ne me connaissez pas, c'est bien normal, reprit Uwabe. Mais nous connaissons une personne tous les deux. Maxime... Maxime Brickfielder, ajouta-t-il d'une voix basse.

Il se tut, réfrénant cette pulsion de joie, légèrement mal à l'aise. Il n'était pas Maxime, mais Maxime était en lui. Cette joie qu'il ne possédait pas le submergeait. Il comprit alors à quel point être un rinne no tengu était difficile.

Ryan regardait les coites à terres, pèle-mêle dans un désordre affolant, le jeune hôte se demandait ce qu'il allait bien pouvoir faire pour remettre tout comme il faut. Tout le monde le regardait, même la caissière, il allait se faire gronder, il allait... Ho ! Rapidement Ryan regarda si la chute des boites n'avaient pas fait de mal à Maxime. Mais celui-ci s'était juste blotti au fond de la poche pris d'une peur bleue à cause de tout ce bruit. Ouf, tout allait bien. Que deviendrait-il sas le petit Maxou ?
Ryan se retourna, oups, encore ce brun bizarre, il l'avait suivit ! Ryan le regarda un instant sans rien dire, et puis il répondit timidement.

- Je n'ai rien, et Maxime non plus! Maxou, dit bonjour au monsieur !"

Le lapin sortit les oreilles et puis le bout du nez, comme l'avait demandé son maître, il regarda Uwabe et retourna se cacher. Si Ryan n'avait aucun lien avec le surnaturel, enfin pour l'instant, son lapin n'était, lui, pas dupe.

- Pardon, il est un peu... peureux, c'est surement à cause de vos lentilles de contact !"

La main de l'hôte attrapa celle du brun, avec un peu de méfiance. Et si... et si Uwabe avait été envoyé pour le surveiller, le chaperonner ? Ou pire... le tuer avant qu'il ne devienne tueur ! Nooooonnn ! Ryan se remit sur ses pieds et recula quelques instants, il allait lui poser la question, comment le connaissait-il, que lui voulait-il, mais il n'en eut pas le temps, et lorsque Uwabe prononça le prénom de Maxime, Ryan resta un suspend. Il n'eut aucune réaction pendant une fraction de seconde. Il répéta comme un robot le prénom de... son ami. Uwabe le connaissait ? Vraiment ? Un sourire imide, et puis un cœur qui s'emballa comme un fou. Il connaissait Maxime. Ryan eut les larmes aux yeux, et puis se fit à pleurer comme une fontaine. Depuis le temps qu'il le cherchait, depuis le temps qu'il errait sans but au travers des villes.

- Maxime..."

Il lui fallu un moment pour se remettre, cela voulait dire tant pour lui. Il n'avait eut cesse de le chercher depuis qu'il avait pu se déplacer librement. Les larmes se stoppèrent enfin, et entre deux sanglot le bouchon pu enfin poser la question qui lui brûlait les lèvres.

- Il est où ??? Où ça ? Il va bien ? Il va bien, hein ? Je peux le voir, s'il te plait, je veux le voir, où est mon Maxime ?"

Ses mains avaient attrapé Uwabe par les épaules le secouant frénétiquement. Ça y'est il se remettait à chialer, comme un bébé, d'ailleurs ses mains tremblaient comme des feuilles, il avait peur, trop peur d'entendre de la bouche du brun une mauvaise nouvelle.

Il y avait dans le fait que Ryan appelle son lapin comme un homme mort et que Uwabe portait en lui quelque chose de très dérangeant, si on connaissait la situation. Uwabe ne dit rien, ne fit rien quand il vit le lapin et l'oublia presque aussitôt, tandis qu'il voyait les larmes couler sur les joues de Ryan. Des larmes qui ne cessaient pas et qui continuaient de tomber, mouillant le visage du jeune homme, faisaient trembler sa voix comme celle d'un enfant perdu. Uwabe sentit une pulsion douce et amère le submerger, comme si Maxime voulait prendre Ryan contre lui, lui caresser les cheveux et lui dire que tout allait, que tout allait bien finir. Il comprit aussitôt le lien qu'il existait entre les deux hommes, cette relation qui n'avait jamais cessé et qui continuait de poursuivre Maxime bien au-delà de sa mort.

Uwabe se mordit la lèvre et demeura choqué quand Ryan le secoua, pleurant toujours, parlant trop vite, incapable de formuler correctement ses mots. L'inquiétude dévorante et le soulagement se faisaient entendre dans sa voix. Peur d'entendre quelque chose de terrible, soulagement de savoir qu'il existait toujours une part de Maxime en ce monde. Uwabe, surpris, se recula et repoussa doucement l'emprise de Ryan sur ses épaules. Il jeta un coup d'oeil au vendeur et hocha la tête.

- C'est assez compliqué, répondit-il finalement. Sortons d'ici, nous ne pouvons pas en parler en public. Vous n'arrivez pas à me croire.

Et en disant ces mots, il prit la main de Ryan et l'entraîna à l'extérieur.

Il devaient sortir? Et bien soit, Maxime attendrait pour sa pitance. Ryan encore plus nerveux que jamais suivit Uwabe sans faire d'histoire. Il avait les mains moites, il avait peur. Pourquoi parler en tête à tête. Etait-ce une question de confidentialité à cause de son travail. James Bond le retour. Maxime avait infiltré la mafia se faisant passer pour un prince héritier ou quelque chose comme ça ? Un sourire lui passa sur le visage. Sur, il n'y croirait pas. Maxime, un prince... c'était SON prince. Ryan sautilla, essayant d'oublier son angoisse. Maxime avait survécu à la mort ! Maxime avait survécu une fois, alors il survivrait à tout.
Ryan n'en pouvait plus, il lâcha la main d'Uwabe et s'énerva. Il n'avait pas pour habitude de s'énerver comme ça, mais la tension était trop grande. Maxime était là, à porté de voix, il voulait savoir, maintenant !

- Où est-il ? Où est Maxime ! J'avancerais pas plus tant que tu n'auras pas répondu à cette question ! Je le cherche depuis longtemps ! Je vous savoir ! Il est... mort ? C'est ça, hein ? Me dit pas qu'il est mort, il peut pas mourir, Maxime est fort, très fort, hein ? Il va venir me chercher, il m'a pas oublié, hein ? Je veux le voir ! Je veux qu'il me prenne dans ses bras, je veux sentir ses gants noirs sur ma peau, je veux... sentir ses blessures sous mes doigts... Je veux MAXIME !"

Ryan eut un nouveau sanglot, il ne tiendrait pas comme ça encore longtemps, ses nerfs prenaient le dessus sur la peur, ses genoux tremblaient. Si Maxime était mort... que deviendrait-il ? Tout ce chemin... pour... rien...

Abasourdi, Uwabe sentit Ryan résister. Et devant lui, il craqua, pleurant Maxime, désirant le voir, le toucher, le sentir près de lui. Uwabe sentit en lui une blessure s'ouvrir, plus profonde qu'il ne l'aurait cru. Maxime souffrait en lui... et en lui-même, lui, le démon. L'impression qu'il était loin, et en même temps si proche de ce sentiment qu'il ne maîtrisait pas.

- Non, calme-toi, Ryan, je t'en prie..., murmura Uwabe, gêné, tandis que le vendeur, agacé, ne retourne à l'arrière de la boutique. Ne pleure pas comme ça, je vais t'expliquer...

Et expliquer quoi? Uwabe n'en savait trop rien lui-même. Il se mordit la lèvre, désemparé, troublé comme il ne l'avait jamais été. Il prit Ryan dans ses bras une brève seconde, et y imprima contre sa peau la chaleur de son corps et celle de Maxime, cette étreinte qu'il connaissait, courte mais intense. Et à cet instant, lorsque de de contact, Uwabe sentit... Maxime prendre le contrôle de son corps. Il se sentit disparaître, dans une brume, et impuissant, laissa ce contrôle se faire.

Par son corps, Maxime toucha la joue de Ryan et sourit. Ce sourire familier, dur et doux à la fois, qui savait mordre les ennemis et embrasser ceux qui lui étaient chers. Il avait beau être dans le corps d'un jeune homme de 16 ans aux yeux d'un rouge étrange, son visage se transforma quelque peu, devint plus assuré, et l'éclat sombre apparut dans son regard.

- Je suis là, murmura-t-il. C'est moi, Maxime... Max...

Et à ces mots, il sortit de sa poche la clé en or. Uwabe le regarda, loin, et la chaleur de l'âme de Maxime s'évanouit, le laissant reprendre son corps. Uwabe reprit possession de son enveloppe charnelle, le coeur battant à tout rompre. Il fixa, désemparé, le jeune homme, la clé toujours en main.

- Sortons, s'il te plaît, redit-il plus fermement. Il faut que je t'explique tout, en privé.

Se calmer ? Oui, il essayait, mais ces secrets, ce silence, Ryan ne le supportait pas. Il n'avait pas des nerfs d'acier, il n'était pas une véritable soupe au lait. Tout était apparence avec lui. Là, ce n'était plus le cas. Tout ce qu'il ressentait, il ne le maitrisait pas. Le violet de ses yeux se voilà. Non, impossible qu'il soit mort !
Il essayait de se calmer, vraiment, il essayait, une bataille interne qu'il ne pouvait pas gagner, tant qu'il n'aurait pas une réponse. Il ne pouvait plus attendre, si ça continuait il allait tourner de l'œil, avoir un malaise ou un truc du genre. Et puis, il se passa un truc vraiment étrange, le brun en face de lui se mit à agir bizarrement. Il ne comprenait pas ce qui se passait. Il semblait nettement différent, il ressemblait à... Pourquoi il disait qu'il était Maxime ? Comment ça Maxime,ce n'était pas Maxime, la blague était pas drôle. Il allait lui mettre sa main en plein milieu de la figure, mais l'apparition de sa clef l'arrêta tout à coup. Maxime ? C'était vraiment Maxime ? Impossible ! La main sur le cœur, Ryan resta muet, il se passait quoi ?
Cette fois-ci, le jeune homme retrouva son air de poupée, il suivrait Uwabe n'importe où, sans rien dire, toute façon, il n'en était plus capable, il regardait autour de lui vaguement. Maxime était mort. Maxime était un... fan... tôm... e. La fin de son monde. La fin d'une recherche depuis tout ce temps.

- Je... viens."

Que deviendrait-il ? Tout ce qui l'avait raccroché à la vie pendant ces longues heures sévices c'était l'espoir de revoir Maxime. Son ami, son précieux ami. celui... qu'il aimait encore d'un amour grand comme ça.

Le visage de Ryan s'était comme... vidé de ses couleurs. Immobile, d'un coup docile, ses yeux avaient maintenant l'apparence de boules de verre, semblables au regard d'une poupée d'un temps ancien. Uwabe sentit l'incroyable noirceur qui émanait du coeur du jeune homme mais ne dit rien. Faisant un geste, il prit la main de Ryan et l'emmena à l'extérieur. La foule était moins compacte, et la chaleur du dehors était comme une main tiède sur la peau. Cependant, maintenant que tout allait être dit, Uwabe ressentait cette tièdeur comme une émotion étouffante et moite, tel un corps transpirant contre lui.

Ryan, muet, se laissait faire. Que pouvait-il dire? Uwabe ne comptait plus le nombre de fois qu'un proche avait vu ce jeune garçon aux yeux rougeâtres prendre l'âme de leur amour, leur enfant, leur parent, leur ami. C'était un vol de charognard, et Uwabe, le visage impassible, partait avec ce présent du mort, son énergie spirituelle qui n'était qu'une batterie temporaire.

Ils marchèrent quelque temps, peut-être dix minutes, une demi-heure, Uwabe ne savait rien. Il se sentait comme proche du malaise, et, ne pouvant plus supporter cette gêne, cette stupidité dont il avait fait preuve, il se tourna de nouveau vers Ryan.

- Je peux comprendre..., commença-t-il, sans réellement savoir où il voulait en venir.

Comprendre quoi? Qu'est-ce qu'il pouvait comprendre?

- Je peux comprendre que cela peut être douloureux pour toi, Ryan, finit-il enfin par dire. Mais il faut que tu saches que, même si Maxime n'est plus là, que tu ne peux plus le toucher, il est présent en moi. Je suis un démon, Ryan, qui en échange d'une faveur essentielle d'un mort, lui prend son énergie pour survivre. Maxime a fait un pacte avec moi, alors qu'il allait mourir. Je devais retrouver la personne qui comptait le plus pour lui, et... "l'aider", c'est lui qui me l'a dit.

Les yeux rouges d'Uwabe s'assombrirent et il eut une sorte de sourire froid, désabusé, qui ressemblait cruellement à celui de Maxime.

- Si tu ne veux plus me voir, ou voir en moi ce qu'il reste de Maxime, je comprendrais. Sache juste que du point de vue du contrat, j'en ai terminé avec toi. Officiellement.

Son sourire devint légèrement plus chaud, et quelque part, un peu plus tendre.

- Mais je ne sais pas..., je n'arrive pas à te laisser tout seul...

Ils marchèrent, oui, ou plutôt Ryan suivit cet homme bizarre sans demander son reste, sans vraiment être animé par une quelconque envie, ni même une quelconque âme. Il était vide, vidé par cette idée qui lui malaxait le cerveau. Maxime était... mort... c'était comme si on lui avait arraché sa raison de vivre. Oui... tout ce temps, où il avait cru, tout ce temps... à cause de cet enlèvement, il n'avait pas été là, il n'avait pas vu, son ami une dernière fois ! Pourquoi, il n'avait pas pu retrouver son ami, pourquoi était-il mort ?
Il comprenait... il comprenait rien du tout. Le petit irlandais releva deux billes violettes pleines de rage. Comprendre quoi ?! Il ne lui restait que Maxime !

- Tu ne peux pas comprendre, ne dis pas que tu comprends, j'ai passé ces derniers mois à le chercher, à souiller mes mains de sang pour retrouver sa trace ! Et tu... tu viens comme une fleur me dire que quoi que je fasse, je ne le retrouverai jamais, que tu m'as pris Maxime ! Espèce de monstre !"

Monstre, oui, il avait mangé Maxime, il l'avait digéré. Cette chose quelle quelle soit, avait pris possession de l'âme de son ami. Son regard violet continua de toiser le garçon aux yeux rouges et puis il fronça les sourcils.

- Et alors, quand tu auras dévoré toute son énergie... il disparaîtra, non ? En fait, c'est débile cette histoire de pacte ! Tu viens me montrer une image qui disparaîtra une nouvelle fois... c'est... c'est..."

Ryan se recula, il se sentait nauséeux. Qu'allait-il faire de sa vie ? Qu'allait-il faire maintenant. La boule qui bougea dans sa poche de manteau le fit pleurer. Il devait s'occuper de son petit lapin, il devait s'occuper de Maxime... Mais... mais qu'allait-il faire de cette chose qui contenait l'âme de Max ?

- Es-ce... es-ce qu'il a eut mal ? Es-ce que ça lui fait mal, quand tu le manges ?"

Le visage d'Uwabe s'assombrit. Ne disant pas un mot, fixant Ryan d'un air apparemment impassible, il attendit qu'il déverse tous ses sentiments, avec une telle violence qu'on avait l'impression qu'il les vomissait, se vidait d'eux. Les mots de Ryan le touchaient comme des claques mais il demeurait immobile, prenant tout sur lui. Il en avait tellement l'habitude après tout...

Lorsque Ryan lui posa la dernière question, Uwabe releva la tête, et sembla réfléchir. Voyant les larmes couler, il tendit une main comme pour les essuyer mais arrêta son geste, sentant bien que c'était inapproprié.

- Je ne le mange pas, Ryan. Le pacte peut te paraître idiot, cruel, mais c'est ainsi. Si Maxime l'a accepté; c'était simplement pour toi. Il a préféré demeurer encore en moi, plutôt que disparaître aussitôt après sa mort. Il est mort lors d'une mission, l'une des plus dangereuses. Il y a eu un piège mais il a pu protéger la famille chez qui il travaillait et a effacé toutes les données qui auraient pu nuire. Je l'ai vu alors qu'il allait mourir, et je lui ai proposé le pacte. Ce n'est pas un pacte douloureux pour lui. Il est là, en moi, et quand il sentira le temps venu, il partira de lui-même, me laissant son énergie.

Il eut de nouveau un sourire.

- Si tu as besoin de rester seul, je comprendrais. Je te dégoûte, c'est bien normal. Mais je voudrais vraiment qu'on se revoit, tous les deux.

Il y avait des situations dans lesquelles on n'aimait se retrouver, celle-ci, elle en faisait partie, celle-ci, Ryan aurait voulu ne jamais la regarder en face. Il était furieux, furieux contre lui, contre Maxime et ce... cette chose en face de lui.
Il avait survécu jusque là pour le blond, il avait fait de son mieux jusque là, apprenant même le dur métier de tueur. Il avait une arme, un mentor, une rage qui criait au fond de ses boyaux. Il avait une mission, et il savait qu'Adam avait confiance en son potentiel. Il avait murit, quelque part, tout en gardant son côté enfantin aussi pur qu'au premier jour.
Ryan soupira, il ne savait pas comment réagir, comment faire face à tout ça. C'était trop, beaucoup trop à encaisser. Il regardait une boite, c'était tout à fait l'image, avec plusieurs personnes dedans, et dans cette boite, on avait enfermé tout ce qu'il restait de son ancien ami.
Après avoir déversé tout ce qu'il avait sur le cœur, Ryan se recula, se laissant tomber à la renverse contre un mur, il sentait le sang couler par à-coups puissants entre ses veines, il avait froid, il avait peur, son souffle de plus en plus court stoppé par une main invisible contre son torse finissait saccadé dans une gorge sèche et nouée. Il suffoquait, il manquait d'air, il tremblait. Ça faisait bien longtemps qu'il ne s'était pas senti comme ça, comme en manque, comme lors de ses dures journées, où attaché, Adam l'avait sevré de tout ce qui avait fait son ancienne vie. Les seules cachets qui traversaient son corps n'étaient plus que des vitamines et des minéraux dont son corps semblait tout le temps manquer, et quelques calmants pour ses différents maux de crâne. Un corps à nouveau vierge, épuré par les cris, les larmes, la douleur et les supplications...
Son corps réagissait, violemment à la perte trop significative d'une autre partie de sa vie. Il avait perdu son père, il avait perdu Amano, son institutrice... Maxime.

- Max..."

Il était mort pour une famille japonaise. Il était mort pour protéger ses commanditaires, il avait fait son travail... C'était ça... être tueur. Ryan serra sa gorge, il n'arrivaient plus à parler, c'était comme si, son corps implosait, comme si, il allait lui aussi, mourir soudainement. Son visage se laissa tomber lourdement, alors qu'il cherchait toujours un souffle qui se refusait à lui.
Il ne voulait pas que Maxime parte, qu'il disparaisse encore, à nouveau, pas après tout ce qu'il avait enduré pour le retrouver. Il était peut-être mort, mais si une créature pouvait... récupérer son âme, il était peut-être possible alors... de le ramener à la vie ? De le sortir de ce monstre et lui trouver un autre corps.

- Quel... quel sont tes pouvoirs ? Es-ce que... ma vie pourrait le ramener ? Es-ce que tu pourrais me le ramener... si je t'offrais tous les morts que tu voulais ?"

Le regard violine glissa sur le côté, l'air d'enfant avait mué, comme ces yeux pétillants, sa lèvre imprimait une moue sinistre, ses yeux étaient devenus presque cruels à peine dissimulé par ses mèches châtains. Le souffle enfin revenu, il se dégagea de son mur pour s'approcher d'Uwabe. Il caressa sa joue, puis ses lèvres, comme il l'aurait fait à Maxime et puis il se mordit la lèvre en plissant les yeux.

- Veille à ce que rien ne lui arrive. Quoi que tu sois, si tout ce qui reste de Maxime disparait, tu disparaîtras avec... qu'importe... ce que tu es... tes capacités... avec ce qui me reste de vie et de rage... je t'arracherais ce qui te sert de cœur."

Froid et impassible, Ryan glissa une main dans la chevelure d'Uwabe. Il avait appris beaucoup avec Adam, tout autant qu'avec Gladys, la seconde personnalité de son mentor : une âme brisée, remplie de haine de folie destructrice...
Il avait appris à encaisser, à devenir plus combatif, et lorsque lui aussi, il se sentait envahi par les doutes, par la peur et l'angoisse, quelque chose de Gladyssien se mettait à éclore en lui. Sa main quitta la toison brune pour attraper le bras du démon qu'il serra fortement.

- Compte pas sur moi pour te laisser tout seul, t'es officiellement mon bras droit à partir d'aujourd'hui. J'ai trimé pour le retrouver, alors c'est pas pour le laisser repartir en ta compagnie. Ok ?! Il est à moi... donc tu le seras aussi, simple !"

Un sourire, plus doux, plus Ryan. Il inspira à plein poumons, sortant Maxime de sa poche pour le mettre dans les mains d'Uwabe.

- Voilà ta nouvelle famille..."