En quête de savoir...

Vague sourire aux lèvres, et livres sous le bras, Andrei franchit les portes de la bibliothèque, bien décidé à y rester un petit bout de temps. Ce faisant, il avait salué les quelques rares personnes qu'il avait pu rencontrer au passage, et qui d'ailleurs pour la plupart n'avait même pas daigné lui répondre. Ca, c'était habituel. Ca faisait partie de son lot quotidien depuis le jour où pour la première fois il avait passé le pied outre le seuil d'un établissement scolaire. Ce que les gens pouvaient-être malpolis, tout de même, hein? Enfin. Ca les concernait. Ce n'était pas lui que ça allait déranger. D'ailleurs, il souriait toujours, en bienheureux, et même si cela le faisait paraître d'autant plus étrange, voire déconnecté. Il n'était pas là pour discuter avec les élèves, ni même avec le bibliothècaire. Il était venu rencontrer un professeur, durant l'heure que l'absence d'un autre professeur lui avait laissé de libre. Ce n'était pas qu'Andrei se souciait franchement de ses résultats, ni que de lui même il aurait eu tendance à se rajouter des heures de travail en soutien scolaire, mais voilà: sa tante n'appréciait guère le genre de notes qu'il pouvait obtenir en histoire, lui qui avait une si bonne mémoire...

A vrai dire, il ne comprenait que mal pourquoi cette matière ne passait pas, avec lui. Il avait même des connaissances personnelles très étendues dans le domaine! Quand il se contentait de rabâcher son cours, généralement tout se passait bien, mais voilà: avec tout ce que lui savait et qui n'était pas écrit sur ses cahiers, quel dommage de se contenter de si peu! Etrangement lesprofesseurs n'avaient jamais aimé cette démarche pourtant pleine de bonnes intentions, et voilà où il en était, maintenant. Enfin. Notons que ça n'était pas comme si ça le dérangeait vraiment. Il souriait encore, et avançait au gré des rangées, se laissant distraire par les monceaux de livres qui les recouvrait.

A vrai dire, Andrei aimait beaucoup cette pièce là de l'université. Elle était pleine de magie, et pleine d'êtres étranges aussi, tous droits sortis des ouvrages qui y étaient réunis. On pouvait rencontrer les fantômes de personnalités connues, de grands philosophes, de vaillants généraux, et, ce qui était déjà plus drôle, des bestioles magiques, des grands méchants loups et des éléphants roses à pois d'or, et tout ça à foison. Andrei prenait toujours grande attention à ne pas marcher sur les cailloux dispersés par le petit poucet ici et là, et surtout, à ne pas se frotter à n'importe qui de trop près, quoi qu'il admirât toujours tout le monde de loin. Tout ça lui rappellait les histoires que lui racontait sa grand-mère quand il était petit et... Il fronça légèrement les sourcils. Non, non, et non! Il n'était pas là pour ça. Il était venu ici pour travailler!

Et comme à l'habitude, un sourire grand comme une banane vint se frotter contre ses jambes, signe qu'un certain chat de Cheshire venait lui rendre visite. Souriant aux yeux rieurs qui apparurent soudain sous son propre regard, amusé, il s'arrêta tout simplement d'avancer, pour prévenir l'ami félin qu'il avait d'autres choses à faire que de l'écouter se répandre en sophismes admirables:

"Je suis désolé, je ne suis pas venu ici pour m'amuser aujourd'hui..."

Mais le chat ne voulu disparaître, quoi qu'il le fut déjà à moitié. Il insista pour le suivre, tandis qu'il continuait sa marche, marche qui d'ailleurs ne serait plus bien longue, le professeur Brown se trouvant maintenant dans son champ de vision, et qui plus est tout prêt de lui. Il passa une main dans ses cheveux et dans un léger soupir acheva la pseudo-discussion au préalable commencée:

"Très bien, mais je t'aurai prévenu... Et tu sais je trouve que tu es bien plus amusant entier. Enfin, moi je dis ça je ne dis rien. Si je devais disparaître par morceaux comme tu le fais, je crois que ça me donnerait une impression très étrange... Tu n'as jamais eu peur de tomber malade à force d'user de cette capacité? Ca doit être très facile de se faire un ulcère, avec un pouvoir pareil..."

Arrivé devant Brown-sensei, il se désintéressa complètement du chat, qui pour sa part semblait ne pas prendre ses recommendations au sérieux. Son sourire se fit soudain plus franc, puis il salua le professeur, se rendant maintenant compte qu'il n'avait jamais vraiment eu l'occasion de lui adresser la parole au dehors du strict cadre des cours:

"Bonjour professeur! J'ai par un hasard des plus totaux fini les cours plus tôt que prévu, je viens pour le soutien scolaire..."

Eh bien! Tout cela commençait à merveille, a priori... Le professeur Brown lui répondait sur un ton très sympathique, par pour le moins solennel, et bizarre ou pas, Andrei restait un élève, quoi... Et les élèves généralement préféraient largement les profs jeunes et sympas aux vieux croûtons à cheval sur la discipline, quoi qu'on puisse trouver un mix des deux parfois... Bref. Andrei n'échappait pas à la règle, et même si il aurait pu facilement s'adapter à toute situation, se sentir à l'aise partout, il n'en fut que plus enclin à rester ici un petit moment.

Toujours sourire aux lèvres, il acquièsça, puis s'asseya ainsi que le lui avait proposé monsieur Brown. Dans le mouvement, son cher ami le chat en profita pour lui sauter en plein sur les genoux, ce qui lui valut de perdre un instant ses airs doux et satisfaits, pour prendre une expression entre surprise et perplexité. Ce fichu félin semblait bien avoir décidé de le suivre comme son ombre tant qu'il serait dans la bibliothèque, ne restait plus qu'à espérer que ça ne dérangerait plus le pro... Ah, non. Andrei plus attentif que jamais avait retourné regard et sourire sur son vis-à-vis, et plein d'une innocence presque enfantine avait donc bu ses paroles, qui quoi qu'elles eurent des raisons de le faire ne le surprirent pas pour un iota... A vrai dire, pour surprendre Andrei et ses notions très approximatives de la normalité, il fallait se lever de bonheur... Et ce n'était pas de tutoyer un professeur, et de l'appeller par son prénom, qui allait le déranger outre mesure. Après tout, il faisait bien ainsi avec ses camarades de classe, alors pourquoi pas avec Antarès? Il acquièsça donc encore une fois, avant de commencer à répondre à toutes les questions qui lui avaient été posées, toujours sur ce même ton plat, presque détaché, plein d'une bienveillance étrange...

"Très bien, ça sera comme tu voudras alors, Antarès. C'est un très joli prénom que tu as là, il me rappelle quelque chose en fait, mais il semble bien que j'ai oublié quoi... J'aurais du me couvrir la tête aujourd'hui, un dévoreur de souvenir a du passer par là. Quelqu'un en a invoqué toute une clique il y a peu..."

Il soupira, et secoua légèrement la tête de droite à gauche, fort embêté. C'était très gênant oui... Lui qui était malgré tout fier de sa mémoire d'éléphant en venait à oublier des choses aussi basiques que celle-là... Les gens devraient franchement réféchir à deux fois avant de recourir à l'ocultisme pour faire sortir les démons de leur tanière, ça n'amenait souvent rien de bon, quoi qu'il y ait aussi des démons très sympathiques... Enfin bon. Il n'était pas venu ici pour discuter. Un léger rire lui échappa, avant qu'il ne continue, revenant à ses moutons:

"Enfin pardonne-moi je m'égare, je m'appelle Andrei... Je voudrais revoir le sujet sur la guerre sino-japonaise en fait. Je pensais connaître mon cours sur le bout des doigts, mais la note que j'ai eu à la dernière interrogation m'a tout l'air de prouver qu'il y a un problème quelque part..."

Il amorça un sourire contri... mais se reprit bien vite presque alarmé, voire anxieux, tandis qu'il se rappellait la présence du chat sur lui, et le potentiel allergène des charmantes bestioles de son espèce:

"Ah! Tu n'es pas allergique aux poils de chat au fait?"

D'autant que le chat de Cheshire était un chat magique! Lorsqu'on était allergique aux chats et qu'on se retrouvait en présence d'un chat magique, qui sait ce qui pouvait nous arriver? Andrei n'avait pas envie de voir Antarès se mettre à enchaîner les éternuements, et à chacun de ces derniers se voir pousser une verrue sur le nez, un poil vert sur le visage, ou que savait-il encore de particulièrement disgrâcieux... Le pire, c'est qu'Andrei avait l'air si sérieux et si sincère qu'on aurait difficilement pu croire qu'il se fichait de la gueule du monde.

Ah. Antarès n'était donc pas allergique aux chats, voilà qui rassurait Andrei, qui avait réellement craint un instant durant d'attirer son professeur d'histoire dans des problèmes dont lui-même ignorait la portée. Se remettant très vite de ses "émotions", il ne lui fallut pas bien longtemps pour être à nouveau tout sourire, et tout à fait prêt à continuer de discuter, et accessoirement de se préparer à se mettre au travail. Par contre, si Antarès avait de l'humour, il semblait à Andrei qu'il pourrait aller un peu trop loin, si cela n'avait pas déjà été fait... Le chat de Cheshire avait fini par apparaître entièrement sur ses genoux, et ses "traits" lui paraissaient tendu. Un instant il lui jeta un regard un peu gêné, et arborant un tout nouveau sourire contri tenta d'arranger les choses avant que cela ne finisse mal, que quelqu'un ne perde un oeil, ou que le chat vire vert de rage... Les poils de chat vert, c'était bien connu, c'était toxique. Radioactif, même. Trèèèès dangereux pour la santé. Alors autant pour lui que pour Antarès, il valait mieux éviter:

"Heu oui, je l'ai sur moi... Je vais la sortir, mais tu sais, même si c'est pour rire... Tu ferais mieux d'éviter de faire semblant de ne pas le voir. Parfois il perd le contrôle de sa capacité à devenir invisible, alors il complexe un peu, et je crois que tu l'as vexé..."

Le chat quitta ses genoux pour finalement s'éloigner, et Andrei pensif le suivit des yeux un instant. C'était bien la première fois qu'il voyait le chat réagir ainsi, en fait... Il espérait qu'il ne lui faisait pas la tête, et qu'il ne secacherait pas dorénevant quand Andrei viendrait le visiter. Quoi qu'on puisse en penser, c'est qu'il s'y était attaché, à ce matou au sale caractère... Enfin. Il était vraiment trop enclin à se déconcentrer, ça n'allait pas, ça! Comme se réveillant d'un rêve profond, il respira un grand coup et releva la tête, pour revenir à Antarès, légèrement rieur.

"Allons-donc, il s'en va maintenant... Il est un peu trop susceptible tu ne trouves pas? Bien alors, la dissertation..."

Une moue concentrée apparut soudain sur son visage, tandis qu'il posait ses affaires sur la table, et en sortait une pochette plastique somme toute banale, qu'il ouvrit pour en retirer sa copie, impeccable, si l'on oubliait la note peu glorieuse qui ornait sa première page. Il ramena ses affaires sous la table, contre sa chaise, et avança un peu le devoir sur la table, pour le rapprocher d'Antarès.

"Voilà. Je me suis contenté du cours pour faire l'introduction, jusqu'à là tout allait bien... C'est quand j'ai commencé à complèter la première partie avec des connaissances personnelles que tout a basculé. Pourtant je suis sûr de mes sources, tu sais... ou bien me suis-je trompé de période?"

Il fronça un peu les sourcils, et distraitement passa l'index contre l'arrière de sa joue. Cette histoire le laissait un peu perplexe, à vrai dire, il ne comprenait pas où était son erreur... A l'époque, l'empereur du Japon avait bel et bien été possedé par une créature maléfique, et sous toutes les explications possibles et imaginables qu'on avait pu trouver à son désir d'expensionnisme et de conquête se cachait l'influence du monstre, qui l'avait poussé à chercher un nouvel hôte pour sa progéniture, hôte qui n'était pas si facile que ça à trouver... L'être compatible n'existait pas au japon, il avait du donc commencer à le rechercher en Chine, mais cela s'était finalement mal passé. Et Hiroshima? Et Nagasaki? La bombe nucléaire n'existait pas. C'était là un gros mensonge inventé par les puissances dominantes pour faire taire les plus petites, et se faire taire entre elles. Oppenheimer lui même avait avoué son échec, et s'était par la suite suicidé au gaz moutarde. On dit que c'est à ce moment là que son chien muta, suite à l'effet des vapeurs toxiques répandues dans la maison. C'est d'ailleurs grâce à lui qu'on inventa le napalm, fabriqué à partir des sucs digestifs extrèmements acides de la bête... C'est pour l'attrapper que ça n'a pas du être simple! Flottant au dessus de la maison blanche comme un énorme ballon à l'hélium, on avait du faire appel au champion du monde de tir à l'arc de l'époque pour le dégonfler. Etrangement, les balles de mitraillettes ou de révolver ne voulaient pas le traverser... Bref. Non, ce qui avait détruit ces deux villes, à cet instant, c'était la punition du démon, qui s'était vengé ainsi de la perte précoce de son enfant. C'était ainsi que se passaient la plupart des guerres, c'était bien connu, non? Enfin bon... Andrei et Antarès allaient maintenant tirer les choses au clair, chose nécessaire pour Andrei qui ne comprenait pas bien son erreur, sur le coup.

Finalement, Antarès semblait réagir comme un peu tout le monde, ainsi que le constata Andrei lorsqu'il acheva la discussion au sujet du chat de Cheshire, qu'il alla jusqu'à décrire comme étant son "chat invisible". Bah... Ce n'était pas très grave. Andrei avait l'habitude, souvent les gens ne portaient pas le même intérêt que lui à toutes ces petites choses qui venaient égayer leur quotidien, à s'en demander si ils avaient bien les yeux en face des trous, où n'avaient pas oublié la moitié de ce qu'ils étaient censés savoir... Aveugles qu'ils étaient, peut-être ne voyaient-ils même pas? Bref. Andrei avait toujours jugé inutile d'insister, dans ce genre de cas. Mieux valait passer à autre chose que de parler de choses qui fâchaient.

Sauf que les choses qui fâchaient semblaient avoir décidé de ne pas le lâcher cette fois, comme il le constata tandis qu'Antarès répondait finalement à ses questions... D'une manière qui ne l'aidait guère, et peut-être allait jusqu'à plus encore le plonger dans sa perplexité. Andrei fronça un peu plus les sourcils encore, l'air de réfléchir activement. L'histoire, relater des faits réels et prouvés...? Mais... Bien entendu! Il le savait bien! Là n'était pas le problème... Son devoir, relever de la littérature fantastique? Là, il leva clairement un sourcil, étonné. Antarès devait pourtant savoir tout autant que lui que tout ce qu'il avait marqué sur sa copie... était vrai! Si il était vraiment professeur d'histoire du moins. Trop égaré pour répondre quoi que ce soit entre deux, Andrei se contenta d'écouter les explications d'Antarès, qui ne le choquèrent que plus encore, à vrai dire. On avait jamais relaté que l'empereur du Japon de l'époque avait été possedé par un démon? Ah... ça, c'était faux! Et il le savait autant que lui! Se souciant bien peu de ses qualités d'écriture et de ses fautes d'orthographe inexistantes, Andrei s'apprêta à répondre à son tour, se récrier... lorsque soudain, la compréhension lui vint; envahit d'une lueur son regard. Le brin de douceur qui sur son visage avait été remplacé par l'expression de son égarement revint à sa place habituelle, ainsi que son sourire pâle et pourtant omniprésent:

"Aaaah... Je comprend. La censure, c'est ça? Ce sont des informations qu'on préfère cacher au grand public, ainsi faut-il se contenter de ne relater que ce qui a été établi comme officiellement véridique, du moins dans le cadre de l'université? Je ne pensais pas que déborder du programme était une mauvaise chose, au contraire, même..."

Détournant les yeux, il passa une main dans ses cheveux, et dans un soupir acheva ses commentaires, qu'il s'auto-destinait d'ailleurs à moitié:

"... J'essaierai de me contenter du cours alors. C'est plus simple en fait, mais je trouve ça dommage... Enfin."

N'empêche qu'il était content d'avoir enfin compris ce qui clochait chez lui, au sujet de l'Histoire. Il allait enfin pouvoir se rattrapper, et faire plaisir à sa tante - puisqu'à lui même, ce n'était pas d'améliorer une de ses matières générales qui risquait de vraiment lui faire plaisir, en fait. Bien... Du coup, il n'avait plus grand chose à demander à Antarès. Il n'aurait pas pensé voir ses problèmes se règler si facilement, d'un seul coup qui plus est... Un peu embêté par la situation, il jugea opportun de s'en excuser:

"Eh bien... Je suis désolé de t'avoir dérangé pour ça, j'aurais du m'en rendre compte par moi-même à vrai dire."

Sourire contri, toujours. D'un autre côté, il venait sans le faire exprès de gagner plusieurs longues minutes de libres sur son emploi du temps. Il allait pouvoir retourner s'entraîner... La partition qu'il avait commencé à déchiffrer la veille lui posait quelques problèmes, il n'arrivait pas à rendre l'une des nuances aussi bien qu'il l'aurait souhaité...

Andrei fut agréablement surpris de voir Antarès s'intéresser de près à ses déductions et à son cas, car à vrai dire... C'était le genre de chose qui ne lui arrivait que très peu souvent. En règle générale, il devait tirer les conclusions lui-même, dans son coin, et le temps qu'il en arrive là, il n'y avait déjà plus personne pour l'écouter... Ainsi écouta t-il le professeur s'exprimer avec le plus grand sérieux, plus attentif que jamais, appréciant véritablement la compréhension et la patience dont il faisait preuve avec lui... ce que trahissait totalement son regard d'ailleurs. Les... services secrets? Diantre... Il n'y avait jamais pensé. Heureusement qu'Antarès était là pour lui mettre les points sur les i, sinon, qui savait ce qui aurait pu lui arriver! A vrai dire progressivement il virait un peu anxieux... Et si un agent secret s'était infiltré dans l'école, ayant entendu parler de son cas? Non... Ce n'était même plus de l'ordre de la possibilité. Il y AVAIT un agent infiltré dans l'école, c'était certain. C'était à lui, maintenant, de faire des efforts pour découvrir son identité... Et surtout pour éviter de lui donner de bonnes raisons de s'en prendre à sa personne. Bah, tout devrait bien se passer... Andrei acquièsça donc vivement, pour répondre d'un air assorti à celui d'Antarès:

"Je comprend, je ferai attention à l'avenir..."

Quant au reste... Oui, rien n'empêchait Andrei d'écrire, cela dit le temps libre qui lui appartenait était déjà bien rempli, rien qu'avec toutes les activités qu'il avait dans le domaine de la musique. Si en plus de ça il devait se mettre à l'écriture, il finirait par exploser! Et qui sait si cela ne pourrait pas arriver au sens propre du terme? Non, brr... Quitte à mourir, mieux valait que ce soit d'une autre manière que de celle là.

Si Andrei avait pensé avoir été assez surpris pour la journée, et bien il aurait eu totalement tort. Preuve en fut lorsque Antarès lui proposa tout simplement de sortir en ville, avec lui. Lui qui toujours restait plus ou moins impassible en arriva presque à écarquiller les yeux, sous le coup de l'étonnement, et sa bouche alla jusqu'à s'entrouvrir. Mais surtout, qu'on ne se fasse pas d'idée! Ce qui étonnait Andrei, c'était non le fait de se faire inviter par un professeur... Mais de se faire inviter tout court! En l'occurrence, c'était le genre de chose qui ne lui était jamais arrivé. La plupart des gens l'ignorait, voire l'évitait, alors de là à lui proposer de passer plus de temps que nécessaire en sa compagnie...

Il se remit bien vite de ses émotions, cela dit, et n'hésita pas une seconde quant à la réponse à formuler. Retourner s'entraîner lui faisait bien envie, certes, cela dit rien ne pressait, et pour lui, l'occasion présentée était inesperée.

"Ca serait avec joie!"

Et le pire, c'est qu'il était devenu rayonnant... Enfin. Son sourire retrouva bien vite sa taille normale, tandis qu'Antarès l'interrogeait au sujet du démon... Euh... Quel démon? Ah oui! Le démon qui avait pris possession de l'empereur du Japon lors de la guerre sino-japonaise, hm? Commençant sans attendre à ranger ses affaires comme il faut, Andrei bien content d'avoir quelqu'un pour l'écouter raconter ce qu'il savait, et même pour lui demander de raconter ce qu'il savait, s'apprêta à expliquer ce qui lui était demandé:

"Tu ne sais pas ça, Antarès? Eh bien..."

Il tilta, et s'arrêta un instant, pour regarder tout autour de lui... Personne d'assez proche pour l'écouter, personne de suspect. Bien... L'espion ne devrait pas pouvoir l'entendre. Sauf si bien sûr il avait placé un mouchard sur ses vêtements. Comme Andrei ne croyait que peu à cette possibilité, il se tourna pour à nouveau faire face à Antarès, et continua:

"Il faisait partie de ceux que l'on nomme les démons odorants. La plupart du temps, ils naissent dans les égoûts... C'est un condensé de toutes les mauvaises odeurs qui y stagnent, et qui en contact avec un peu de magie prennent vie. Avec le temps ils se scindent, se dédoublent, et prolifèrent ainsi... Il parait qu'ils peuvent prendre possession de n'importe qui du moment qu'on les respire! Mais ils ne peuvent pas forcément rester dans le corps possedé bien longtemps... A vrai dire, ils ont une forte odeur de brocoli... Donc si l'on passe à côté d'une personne qui sent le brocoli, ou si une soudain odeur de brocoli envahit l'atmosphère sans raison, c'est là qu'il faut se méfier! La dernière fois, ils en avaient fait, à la cantine, j'ai trouvé ça très peu prudent, d'autant qu'ils m'ont envoyé paître quand je leur ai demandé de vaporiser un désodorisant dans les salles de self... Tu sais, les démons odorants profitent des jours où l'on mange du brocoli pour se manifester..."

L'air très sérieux, et ayant visiblement un point de vue en béton sur la question, il passa une main contre sa nuque, et acheva:

"... De toutes façons, c'est très dangereux, le brocoli. Tu sais que certains êtres maléfiques peuvent se déguiser voire se transformer en brocoli pour pièger les gens? Lorsqu'on les mange, on se met à gonfler, jusqu'à devenir bleu et se transformer en un de leurs semblables, au mieux! Parfois ça ne marche pas, et on se retrouve juste avec des tiges de brocoli dans les oreilles, ce qui en soit ne doit pas être très agréable... Heureusement remarquons que c'est un légume très peu populaire... Enfin."

Et de sourire encore et toujours, innocent. Il ne fallait pas le lancer sur ses sujets préferés, sinon il n'en finissait plus... Ce qui n'avait pas été dit, d'ailleurs, c'est qu'il avait un jour eu l'occasion de voir un allergique aux brocolis faire un choc anaphylactique, c'est fou comme il savait bien interprêter...

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